« Parfois vous devez simplement accepter que la meilleure équipe a gagné ». Gianfranco Zola a parfaitement analysé la supériorité de l’Atlético sur ce match retour. Plus que d’avoir donné une véritable leçon tactique à Chelsea et à Mourinho, le mérite des hommes de Diego Simeone est tout simplement d’avoir été la meilleure équipe sur le terrain. Celle qui a produit le meilleur football d’attaque, et qui n’a jamais eu peur de le faire.
Privé de Lampard et Mikel, Mourinho a posé son habituel 4-2-3-1, mais la plus grosse surprise est venue de l’absence d’Oscar. Azpilicueta a commencé à une place inattendue de milieu droit alors qu’Hazard a pris place sur la gauche, tandis que Willian jouait derrière Fernando Torres. En face, Adrian épaulait Diego Costa devant et Thiago a pris place au milieu aux côtés de Mario Suarez, pour palier l’absence de Gabi.
Kick and Rush (and press)
Le score du match aller, et le profil similaire des deux équipes (les deux meilleures défenses de la LDC) ont provoqué une entame assez étrange : pauvre en spectacle, tendue et très physique. Aucune équipe ne prenant, ni le parti de presser haut, ni celui d’attaquer en nombre. Leurs méthodes respectives étaient les mêmes : jouer relativement long et presser dur sur les seconds ballons pour obtenir une touche ou un corner, comme ce fut le cas sur le retourné audacieux de David Luiz, provoqué dans les mêmes conditions que l’ouverture du score contre Paris.
Quand Chelsea avait le ballon, l’Atlético l’a attendu avec le 4-4-2 qui le caractérise. Costa et Adrian se sont contentés de couper la relation entre la première relance et l’axe. Les Londoniens avaient alors le choix entre des transmissions peu dangereuses sur la largeur et de longs ballons très compliqués à négocier pour Hazard ou Torres, Azpilicueta n’étant pas vraiment là pour attaquer, même s’il sera passeur décisif…
Chelsea obtient sa première occasion sur une longue diagonale assez peu prometteuse d’Ivanovic, à destination d’Hazard, en sous-nombre face à Juanfran et Arda Turan. Il faut au Belge une sacrée combinaison de tonus et de qualité technique pour gagner un coup-franc qui provoquera la première occasion de Ramires.
L’Atléti compact au milieu
On l’a vu tout au long de saison, si l’Atléti défend (parfois) très bas et toujours d’une façon très compacte, elle est aussi capable de produire un énorme pressing par séquences. C’est aussi ce qui fait sa force dans un cœur du jeu où elle aura collecté la plus part des récupérations. Chelsea face à l’Atlético, c’est aussi deux façons de défendre qui s’opposent : A Chelsea, les milieux viennent entourer un back four compact, alors que chez Simeone, les milieux sont très proches les uns des autres à la perte du ballon, alors que le latéral délaisse les trois autres défenseurs pour chasser son adversaire direct, ou même aider le pressing.
C’est la présence de Felipe Luis sur une phase de pressing qui permet la récupération qui provoque la grosse occasion de Diego Costa à la 19e minute. Souvent, les présences combinées, sur un petit périmètre de 3 des 4 milieux (Thiago, Suarez et le milieu du côté ou se déroule l’action) et du latéral concerné a permis un surnombre et une récupération.
Les mots d’Hazard
Si l’Atlético montre déjà de belles dispositions dans le pressing et l’attaque « placée rapide », l’ouverture du score va à la fois valider les choix de Mourinho, et souligner les mérites de ses joueurs offensifs dans cette configuration.
Chelsea marque en attaque placée, après que Willian a remporté un 1 contre 2 face à Godin et Felipe Luis, permettant à Azpilicueta de trouver Torres. Déjà, avant la touche qui précède la passe d’Ivanovic, Hazard avait dû aller au charbon face à Juanfran, à la poursuite d’une chandelle négligemment balancée par David Luiz, dans les mêmes conditions que sur la première occasion de Ramires.
La tâche ingrate qui lui fut confiée et le match pénible qu’il a vécu expliquent sûrement sa frustration, et ses propos surprenants d’après match : « Chelsea n’est pas fait pour jouer au foot. On est bons en contre (…) On l’a bien fait ce soir puisqu’on a marqué. On me demande souvent de faire la différence tout seul, ce n’est pas facile ». Si le surnombre est créé par l’Atlético, on peut noter qu’Ivanovic trouve Willian dans le même espace qu’Iniesta sur le but de Neymar au Camp Nou.
Le timing de l’ouverture de score (36e) était parfait pour Chelsea, et les présences d’Azpilicueta et Willian prenaient alors tout leur sens face à une équipe qui, comme elle, est moins à l’aise quand il s’agit de faire le jeu. Croyait-on.
L’Atléti sait tout faire
Car les Colchoneros vont faire basculer ce double affrontement à la 43e. Il n’y a pas grand-chose à dire tactiquement sur l’égalisation de l’Atlético, qui est juste une parfaite séquence d’attaque placée. Elle nous apprend que quand Mourinho va au bout de ses certitudes sur le plan défensif, il ne faut pas avoir peur de le suivre. Ce qu’a fait l’Atlético sur cette séquence, c’est ce que Liverpool n’a pas osé faire dimanche dernier.
Quand Sterling est allé s’empaler seul sur le côté gauche, déplorant l’absence de Flannagan, là les deux latéraux de l’Atléti sont impliqués dans la construction de l’action. La disponibilité offensive conjuguée de Felipe Luiz et Juanfran fait la différence, en même temps que la justesse technique de tous les appuis dos au but sur cette séquence (Arda et Costa). Le ballon fouetté de Thiago est parfait : trop loin pour Hazard, trop loin pour Schwarzer. Toutes les lignes sont cassées par les 3 appels conjoints de Koke, Adrian et Costa qui embarquent Cole, Cahill et Terry vers la gauche pour mieux laisser le ballon arriver à droite. En attaquant à 8 sur la largeur sur cette séquence : les Espagnols n’ont pas eu peur de faire le nombre et ont mis Chelsea dans une position impossible en marquant avant la mi-temps.
« La minute qui a tout changé «
Avec ce but marqué à l’extérieur, Chelsea se retrouvait au bord du gouffre et logiquement, les Colchoneros sont entrés sur le terrain avec l’intention de marquer rapidement. À nouveau, ils ont attaqué en nombre, sans avoir peur de se faire contrer. Ils sont passés près du 2-1 sur la tête de Terry, mais rien n’indique qu’ils n’auraient pas été capables de revenir dans cette configuration.
En titularisant Azpilicueta au milieu, plutôt qu’Oscar, Mourinho a montré clairement qu’il tablait sur une deuxième performance défensive parfaite, espérant surement marquer sur une touche longue ou un coup de pied arrêté. Sa frustration à ce sujet dans sa réaction d’après-match, trahi cette ambition dans son plan de jeu, en plus de capitaliser sur ses certitudes défensives.
Car c’est encore sur une attaque placée en largeur que l’Atlético a obtenu son penalty. Pour une fois, Mourinho aurait peut-être eu le droit de parler « d’erreur individuelle » comme il l’a fait après le match au Parc, le manque de lucidité d’Eto’o ne pouvant pas être excusable par une quelconque fatigue, étant donné qu’il venait d’entrer.
Chelsea passera tout près du 2-2 (encore) sur un coup de pied arrêté, mais une fois de plus cette année, c’est le profil hybride de l’Atlético qui va faire la différence à ce moment décisif du match. Après le 1-2 et l’entrée de Ba, aligné au côté d’Eto’o dans un 4-4-2 très direct, les Colchoneros vont subir une énorme vague de pressing de Chelsea. Ils vont rester sen bloc, durs à l’impact et pousser Chelsea à la faute, avant de remettre le pied sur le ballon.
En trouvant l’oxygène par la possession et la possession par la justesse technique, ils sont sortis de leur temps faible. A ce moment-là, ils n’ont pas reculé et c’est une séquence de 15 passes sur la largeur qui précède le but du game over définitif, inscrit par Arda.
A la hauteur dans l’attaque placée
Quand le tirage a accouché de ce choc entre deux équipes aux profils similaires, on pouvait penser que Chelsea était le pire adversaire possible pour l’Atlético. Il s’est finalement avéré que l’Atlético était le pire adversaire possible pour Chelsea. Mourinho a persisté dans sa logique du match aller et on peut (plus facile avec le recul) s’interroger sur la pertinence de son idée fixe d’aller chercher un nul à l’extérieur sans essayer de marquer.
Il a tout misé sur une double clean sheet et ce plan (n’)aura fonctionné (que) jusqu’au ¾ de cette double confrontation. Il espérait faire ce qu’il a fait dans quasiment tous les gros matchs cette année : tout miser sur sa solidité défensive à l’extérieur, et produire juste ce qu’il faut de football à la maison pour passer. Mais ce scénario ne s’est pas produit et l’Atlético n’a pas été mangé à la même sauce que d’autres visiteurs plus naïfs, lors de précédents succès de Chelsea cette année. Plus équilibré que Manchester City, bien meilleur offensivement que Liverpool, et bien moins effrayé d’attaquer que Paris.
Chelsea voulait passer en défendant bien, espérant être efficace sur les phases arrêtées. L’Atlético a été meilleure dans ce domaine, un de ses points forts et son gardien a été décisif, comme à tous les tours de Ligue des champions.
Vu sa possession moyenne en Liga (48,7) l’Atléti est légitimement considéré – a priori – comme une équipe de contre. Il n’aura marqué aucun but en contre-attaque à Chelsea. Au-delà de sa performance défensive collective pendant les temps faibles, il s’est tout simplement montré à la hauteur offensivement. Des profils comme Arda ou Diego Costa peuvent sembler condamnés à n’exceller que dans l’attaque rapide. En ce sens, la stratégie de Mourinho était tout sauf incohérente : ils se sont montrés à la hauteur dans l’attaque placée. Justes techniquement et inspirés dans leur choix. La meilleure équipe est passée.
Ca sent un peu le copier coller par rapport aux chroniques tactiques du football
Bonjour,
Absolument pas. Les « analyses tactiques » sont publiées régulièrement sur le site.
Bien à vous.