Les règlements sont nécessaires, parfois indispensables, rarement causes de problèmes. Par contre, leur application, bien que conforme à la règle, peut être catastrophique du point de vue de l’exemplarité, voire de la morale. Et les vertus morales, le Calcio en aurait bien besoin.
Le 19 janvier dernier, à Navacchio, en Toscane, une équipe locale de jeunes jouait son match dominical contre une autre équipe de la région, venue de Pise. Championnat de jeunes, les copains, les vestiaires gelés, les parents sur le bord du terrain, beaucoup d’enthousiasme et moins de technique.
Choc dans la surface de Navacchio entre le gardien et un attaquant adverse, penalty, rien que de très habituel. Contestation de l’équipe sanctionnée, là encore, nous sommes en territoire connu, même chez des enfants de 11 ans. Et l’arbitre ? Que fait monsieur l’arbitre ? Il n’a ni assistants, ni arbitres de surface, ni vidéo pour l’aider. Ce serait le rôle de son tuteur qui est là au bord du terrain, parce que l’arbitre est tout jeune et il en est à son tout premier match en tant que directeur de jeu, mais le tuteur ne réagit pas. Le public manifeste de plus en plus fort, on crie, on siffle, on hurle, en faveur de son équipe bien sûr, contre la sanction.
Arbitre en panique et parents en colère.
Complètement désorienté, le directeur de jeu ne dirige plus grand-chose, ne sait pas quoi faire, incapable de tenir la partie, trop inexpérimenté pour arriver à faire tirer le penalty. La scène dure depuis plusieurs minutes quand l’attaquant qui a obtenu le penalty et plusieurs de ses coéquipiers s’approchent du jeune homme en noir et lui disent quelques mots. Après avoir écouté, l’arbitre, particulièrement soulagé d’après les témoins, annule sa décision. Le jeu reprend, les visiteurs finiront quand même par l’emporter.
Qu’a dit l’attaquant à l’arbitre et pourquoi ? Son entraîneur l’expliquera, lorsque l’histoire sera racontée par la presse, locale d’abord, puis nationale. « Notre attaquant m’a dit qu’il n’y avait pas faute, pas de penalty en notre faveur. Alors, j’ai dit aux garçons d’aider l’arbitre et au lieu de tirer le penalty, ils lui ont expliqué. Le mérite leur en revient. Point. »
Histoire sympathique et édifiante, mais il y en a eu beaucoup de similaires. Là où l’anecdote devient intéressante c’est lorsqu’on la rapproche d’une autre, survenue à la même équipe, quelque temps auparavant, lors d’un autre match joué à domicile cette fois. Pendant cette partie, un joueur se fait plus remarquer par ses erreurs que par son talent. Sur les gradins on se moque de lui, particulièrement le père d’un autre joueur du club qui pour l’instant est sur le banc des remplaçants.
La suite coule de source, tout ceux qui jeunes ont joué ou qui ont seulement accompagné leur enfant ont assisté à des scènes similaires. Entre les deux pères le ton monte, il monte même tellement que du terrain les joueurs entendent, qu’ils essayent de voir ce qui se passe tout en jouant. Le « spectacle » est dans les tribunes plus que sur le terrain. C’en est au point que l’entraîneur demande à l’arbitre d’interrompre le match puis aux deux pères de famille de se calmer. Rien à faire, sur les gradins on s’engueule toujours et même de plus en plus. L’entraîneur qui se rappelle qu’il est aussi éducateur, rameute ses joueurs et les fait rentrer aux vestiaires. La direction de l’équipe le soutient, déclarant après le match : « C’était un acte éducatif et formateur. Si on n’essaye pas d’éduquer les parents, les enfants n’apprendront jamais. »
Sanction incompréhensible.
Des parents très loin de leur rôle, un éducateur qui assume pleinement le sien, l’histoire a tout pour être belle et surtout exemplaire. Du moins jusqu’à ce que la ligue de football locale, la ligue de Toscane, statue sur l’affaire, punissant l’équipe par une défaite 0-3, un point de pénalisation au classement et une amende de 100 euros….
Lorsque la Lega calcio avait aménagé le règlement sur la fermeture des virages en fonction des manifestations de « discrimination territoriale », on avait pu espérer une application dans l’esprit plutôt qu’à la lettre, un peu d’intelligence et de doigté. Quelques semaines plus tard, de reculades en justifications grotesques, la pantalonnade n’aura servi qu’à nous apprendre que « Vésuve, lave-les avec le feu » c’est très mal, vraiment. Mais que par contre « Pour Noël, fais brûler un gobbo », c’est parfaitement acceptable. Ou encore que des gosses qui crient « merda » c’est plus grave, ou du moins plus cher en amendes pour un club, que des bombes agricoles ou des jets d’excréments.
Reste maintenant, à propos de cette lamentable histoire, quelques questions que les autorités du calcio devraient se poser car si la défaite par 0-3 était probablement inévitable au vu du règlement, il en va tout autrement du point de pénalisation et de l’amende.
Alors, quel exemple a donné le juge fédéral qui a statué de cette façon ?
Que retiendront les jeunes joueurs, les parents, le public de cette histoire ?
Que penseront-ils lorsqu’on leur parlera de fair-play, de respect de l’arbitre et de l’adversaire ?
Que feront-ils lorsque une situation similaire se présentera ?
Et bien sur, est-ce que la presse nationale, la « grande » presse, aurait repris cette histoire si l’entraîneur de l’équipe de Pise n’avait pas été un ancien joueur connu ?