Dans un football espagnol rongé par la crise, le supporter a perdu son rôle essentiel. Les stades ibériques sont loin de faire le plein et les ambiances loin de faire rêver. Dans ce cas de figure, les Bukaneros du Rayo Vallecano apparaissent comme l’exception qui confirme la règle espagnole. Un groupe ultra qui apporte un soutien inconditionnel à son équipe depuis 1992, quelle que soit la division où évolue son équipe. Décryptage de l’histoire d’un groupe qui a marqué le monde des tribunes mais joue également un rôle politique et social important.
Les Bukaneros. Une belle histoire qui débute en 1992 lorsque sept fans du Rayo Vallecano, club de football espagnol situé dans le quartier populaire de Vallecas à Madrid, décident de créer un groupe de supporters antifascistes. Cependant le groupe peine à se développer les premières années alors que le second club de la capitale stagne en seconde division. Les déplacements à l’extérieur sont rares et l’association a du mal à trouver de nouveaux membres. La donne change lors de la saison 1994-95 lorsque le Rayo est promu en première division. Les Bukaneros voient le bout de tunnel et commencent à rallier les supporters et la population du quartier de Vallecas à leur cause. Le 21 janvier 1996, le Rayo Vallecano parvient à s’imposer 2-1 sur la pelouse de Bernabéu face à son rival, le Real Madrid. Une victoire historique devant prés de 500 vallekanos ayant fait le déplacement. Le groupe se développe, fort de 200 membres à la fin des années 1990. Toujours dans une logique antifasciste, les supporters participent activement à la « Journée contre le racisme dans les stades de football » dont la première a lieu en 1997.
En 2000-2001, le club est qualifié pour la Coupe UEFA. C’est la première participation à une compétition européenne. À la surprise générale, enchaînant victoire sur victoire, le Rayo Vallecano se qualifie pour les huitièmes de finales face au champion de France en titre : les Girondins de Bordeaux. Sur le terrain, la victoire des Espagnols est sans appel, 4-1 à l’aller et 2-1 au retour. Mais lors de cette compétition, les Bukaneros ont pris un tout autre virage. En effet, les ultras du club se déplacent en Europe pour la toute première fois, et 700 vallekanos célèbrent la victoire du Rayo à Bordeaux. Ce déplacement a « révolutionné » le groupe, s’inspirant des Ultras Bordelais, avec lesquels ils noueront une amitié. Jusqu’à former un jumelage avec un des groupes ultras de l’époque (aujourd’hui disparu), les Devils Bordeaux 1990. De nombreux changements interviennent alors au sein des Bukaneros. Beaucoup de drapeaux ainsi que de nouveaux chants apparaissent permettant au groupe de trouver un nouveau souffle. Malgré les mauvais résultats sportifs après ce beau parcours européens qui plongent le club en deuxième division, la passion des supporters perdure. Et en 2010, quand le Rayo parvient à revenir dans l’élite du championnat, c’est près de 300 Bukaneros qui fêtent cette montée.
Les Bukaneros face à la répression
Ce noyau de fidèles a toujours été au cœur de la contestation sociale qui touche l’Espagne. Ainsi, le 14 novembre 2012 lors d’une manifestation générale contre les mesures d’austérité, les Bukaneros sont malgré eux au cœur d’un scandale. Alfonso Fernandez Ortega, membre du groupe, se voit arrêté et incarcéré suite à la protestation. Ce jeune supporter de 21 ans est accusé d’avoir transporté dans un sac des éléments permettant la fabrication d’une bombe artisanale. Après enquête, aucune emprunte n’a été retrouvée sur le sac. Mais un membre du milieu antifasciste, et d’autant plus appartenant aux Bukaneros, est le coupable idéal. Les ultras du club de la banlieue de Madrid se mobilisent et des manifestations pour la libération de « Alfon » sont organisées le 28 décembre dans un grand nombre de villes du pays mais aussi ailleurs en Europe. Le principal intéressé se considère comme « une tête de Turc » alors que son procès n’aura sûrement pas lieu avant de nombreux mois. Un soutien à « Alfon » donc, même si cela ne s’arrête pas là.
Les fans du Rayo ont toujours soutenu la cause de Aitor Zabaleta, ce supporter du club basque de la Real Sociedad qui a été mortellement poignardé le 08 décembre 1998 à Madrid par un skinhead membre d’une faction néo-nazi du Frente Atletico, principal groupe ultra de l’Atlético Madrid. Encore cette saison lors de la réception de la Real, les ultras de Vallekas ont déployé une banderole : « Zabaleta Vallekas no olvida » (Zabaleta, Vallekas n’oublie pas). L’implication des Bukaneros dans les différentes grèves qui ont paralysé le pays ainsi que la situation de « Alfon » a poussé la police à réaliser une perquisition dans le local du groupe. La pression sur l’association est sans relâche. En février dernier, la police interpelle neuf membres des Bukaneros susceptibles d’appartenir à une bande criminelle organisée. Les ultras s’insurgent face à cette répression policière qui s’accentue depuis deux ans déjà. Dans leur dernier communiqué du 15 novembre, les membres expriment leur lassitude face à cette situation : « Cher bureau du gouvernement, avec le même respect et la considération que vous avez pour nous, nous vous demandons de nous laisser tranquilles. Oubliez-nous, laissez-nous tranquilles et cessez de nous blâmer pour tout ce qui se passe dans cette ville ».
« Contra el futbol negocio »
Les Bukaneros sont sur tous les fronts et cette saison encore le groupe est parti dans une croisade contre le football moderne marquée par beaucoup d’actions s’opposant également aux horaires imposés par la fédération espagnole. Ainsi, dans leur communiqué, ils annoncent la grève des encouragements jusqu’à la 24e minute pour tous les matchs se jouant le lundi et vendredi. Comme lors du match Rayo Vallecano-Elche se jouant un lundi soir, où un tifo de protestation a été déployé jusqu’à la 24e minute. Même opération face à Levante un vendredi soir à 23 heures mais cette fois; les fans du Rayo ont laissé leur tribune vide avec cette banderole : « No molesten amigos son horas de dormir no de futbol ». En VF : « Ne pas déranger, les amis ! C´est l’heure de dormir, pas de jouer au football ! ».
Autre initiative qui avait fait sourire l’Espagne entière, lors de la réception de Valladolid les Bukaneros n’ont pas hésité à se vêtir de noir et même certains d’entre eux se sont déguisés en prêtre pour afficher ceci : « Aqui pace el cuerpo sin vida del futbol, los horararios y los negocios tuvieron razón de él ». Comprenez : « Ici repose le corps sans vie du football. Les horaires et le business ont eu raison de lui ». Les ultras de Vallekas s’opposent donc au football moderne en prônant un football populaire et souhaitent véhiculer leur cause en dehors du stade : « Cette saison nous ne limiterons pas notre lutte au stade. Nous devons prendre les rues, les espaces dans lesquels ces gangsters se déplacent et jouent avec les sentiments des fans. Donc nous allons aller à la LFP faire une manifestation publique à laquelle nous encourageons tous les fans du Vallecano à nous rejoindre ». Les revendications du groupe sont simples, des horaires de match permettant à l’ensemble des supporters du Rayo de se déplacer au stade. Ainsi, les fans déplorent le prix des places excessifs alors que le contexte économique est désastreux. Lors du déplacement du club madrilène à Osasuna le 29 octobre dernier, les supporters devaient payer une place à 40 euros, outre le fait que le match se jouait un mercredi soir à 22 heures.
Depuis 1992, les sept supporters à l’origine de la création des Bukaneros ont bien grandi mais la moitié d’entre eux sont toujours membres. Le groupe est resté fidèle à ses principes de départ mais également à leur club dont la situation sportive et économique ses dernières années aurait désespéré plus d’un. Les fans sont engagés dans un combat contre le football business qui, hélas, paraît perdu d’avance qui a toutefois le mérite d’exister. Tandis que le futur des Bukaneros avec une répression qui ne faiblit pas, lui, s’inscrit avec des pontillés…
Par Benoit Taix (avec Bastien Poupat)
Plusieurs erreurs et quelques oublis.
Le caractère antifasciste et antiraciste n’est pas du tout un caractère structurant de la fondation des BK1992. Vallekas et son stade communal sont considérés jusqu’au milieu des années 90 comme une antichambre des Ultras Sur. Les jeunes y font leurs premiers faits d’armes, se politisent avant d’être crédibles auprès des US qui a cette époque était au sommet de son art. Il existe quelques photos BK92 avec croix celtique.
Ensuite, concernant l’amitié Devils/BK92 elle n’est pas né d’un « coup de foudre » c’est le moins que l’on puisse dire puisque les BK92 souhaitaient, au départ, en découdre. Ce sont les bordelais qui les ont accueilli chaleureusement. De là, l’amitié est né. Pourtant, on n’a jamais parlé de jumelage!!
Plus que la mort de Zabaleta, c’est surtout la mort de Carlos, tué par un légionnaire proche des US lorsque les jeunes se rendaient à une contre manifestation contre le fascisme qui a radicalisé les BK92 dans l’antifascisme. Carlos était alors un jeune membre des BK92.
Les BK92 n’ont jamais été au coeur de la contestation sociale!! Ils ont beaucoup de mépris pour les pouilleux qui dormaient placa del sol. Ils les considéraient comme des bourgeois pacifistes et inutiles et certains en profitaient pour les cambrioler! Ils étaient, par contre, de toutes les batailles rangées. Ils adhéraient à la contestation sociale mais la pratiquait à leur manière. Nuance importante. La répression fut terrible pour eux puisqu’ils perdent leur magnifique local et subissent des amendes personnelles très importantes (qu’ils ne paient pas d’ailleurs).
L’article reste trop généraliste et mériterait d’être approfondi. Finalement, il est destiné à faire découvrir ce club au grand public qui, soyons honnête, ne s’intéresse très peu à ce genre de sujets. Finalement, il ne reste que les initiés, qui eux, connaissent déjà ce côté « officiel » de l’histoire.
Aussi, les thématiques comme les amitiés des BK92, les rapports avec le club, l’histoire parfois inédite du club, les faits d’arme ou l’implication extra sportive des BK92 mériteraient d’être plus amplement développés.