Ce huitième de finale de Copa Libertadores entre les deux frères ennemis de Buenos Aires devait être une fête, il s’est terminé en scandale. Les joueurs de River ont été aspergés de gaz irritant dans l’un des tunnels de la Bombonera avant d’entamer la deuxième période. La Grinta vous propose de revenir sur cette soirée à oublier.
Menaces et banderole de Tévez
Après avoir perdu le match aller (0-1) au Monumental de River Plate, le club xeneize se devait de réagir chez lui. Comme à leur habitude, les supporters de Boca avaient promis l’enfer pour les joueurs de River. La Bombonera devait être fidèle à a sa réputation : chaude et imprenable. Quelques détails avant le match annonçaient déjà ce qui allait se passer par la suite. Tout d’abord, ces inscriptions affichés sur l’un des grillages de la tribune de la 12 (Doce), la barra brava de Boca: « si nos cagan otra vez, de La Boca no se ba nadie » .
En français, « si vous nous volez encore une fois, personne ne partira de La Boca ». Ces menaces font référence au match aller, lorsque l’arbitre Delfino avait, selon les hinchas de Boca, clairement arbitré en défaveur des Jaune et Bleu avec notamment deux cartons rouges oubliés pour Sanchez et Funes Mori. D’ailleurs, la barra de Boca était déjà sur les nerfs avant le début de la rencontre lorsque Berni, le secrétaire de la Sécurité nationale, autrement dit le boss de la police argentine, avait ordonné à ce que l’une des banderoles géantes, qui devait être déployée lors de l’entrée des joueurs, soit confisquée. Cette fameuse banderole a été entièrement financée par Carlos Tévez, l’attaquant de la Juventus, et offerte à la barra brava du club. Elle devait faire sa première ce soir-là. Les rumeurs sur la possible présence d’une des factions de la barra expulsée du club confirmaient également que ce match sentait la poudre.
Drone et super suspension
La première mi-temps fut insipide et globalement dominée par River, le seul fait marquant étant sans doute ces mots prononcés par Osvaldo pour Sanchez et captés par la télévision : « C’est Cavenaghi qui b**** ta femme ». Au retour des vestiaires se produit le point de départ d’une soirée noire : les supporters de Boca arrivent à jeter du gaz irritant sur les joueurs adverses à travers le tunnel qui sépare les vestiaires du terrain sur l’une des tribunes latérales du stade. Les principaux touchés seront Ponzio, Kranevitter, Funes Mori, Martinez, Driussi et Vangioni. Yeux explosés, corps brûlés, le match ne peut plus se jouer. Pendant une heure, les organismes de la CONMEBOL et les dirigeants des deux clubs délibèrent sur la suspension du match.
On aura droit à des scènes folles : Le président de River débarque sur le terrain et est à deux doigts d’en venir aux mains avec Arruabarrena, l’entraîneur de Boca. Une scène similaire se produira entre les vice-présidents des deux clubs, Crespi et Patanian. Le représentant de Boca se fera même ovationner. Entre le tumulte et les chants traitant River de « cagon » (mauviette), un drone fera son apparition au dessus du stade avec un fantôme marqué par la lettre B. Une provocation de plus, au milieu du chaos, de la part des hinchas de Boca qui font référence au « fantôme de la B » et au passage de River en deuxième division. Les joueurs et les dirigeants du club Millonario n’auront qu’un mot à la bouche jusqu’à la fin de la soirée : Vergüenza, une honte. Après avoir conclu à la suspension du match, quasiment une heure après les faits, les joueurs resteront sur le terrain près de deux heures de plus. La cause ? Les supporters de Boca continuaient de jeter des projectiles sur les joueurs de River, les empêchant ainsi de regagner les vestiaires. Dans les tribunes, la barra brava a menacé les autres supporters pour qu’ils ne quittent pas le stade avant les joueurs de River.
Les joueurs millonarios finiront par regagner ce fameux tunnel, escortés par des dizaines de boucliers de la police, au milieu des projectiles. Boca fera de même, non sans avoir salué la tribune de La 12 sous les ordres du capitaine Orion. Ce même capitaine qui avait interdit à ses coéquipiers d’échanger leurs maillots avec des joueurs adverses pour justement pouvoir offrir ces maillots aux chefs de la barra brava. On a encore eu une preuve de plus des liens entre les supporters radicaux de Boca et le gardien.
Et maintenant ?
La décision de rejouer les 45 minutes restantes à huis clos ou d’offrir la qualification de River sur tapis vert va dépendre de la Conmebol. Il s’agira d’établir la responsabilité de Boca dans cette affaire. Selon une rumeur, les gaz irritants jetés sur les joueurs de River viendraient de la police qui en auraient fait usage pour éviter que les supporters de Boca jettent des fumigènes dans le tunnel. Les joueurs touchés ont été emmenés en observation à l’hôpital et souffriraient de kératite chimique et de brûlures au premier degré. Les principaux responsables devraient être identifiés. Comme souvent, ces incidents répondent à des intérêts précis. Lesquels ? Impossible de le dire pour l’instant, sachant que rien ne se fait à la Bombonera sans l’accord de la barra brava …
Après la mort d’un joueur de San Martin de Burzaco plus tôt dans la journée, qui a conduit à la suspension de la prochaine journée de championnat, ces évènements à la Bombonera marquent cette journée du 14 mai 2015 comme l’une des plus tristes du football argentin.