Le Betis retrouve ses belles couleurs. Arrivé dans un club apeuré par sa 15ème place au bout de la saison 2016-2017, Quique Setién a transformé l’équipe à son image : une identité claire et des principes sensibles. Balle au pied, un chemin s’est dessiné et le Betis s’est installé à une renversante sixième place.
Depuis 2013 et une place en Europa League, le Betis disparaissait lentement du haut de tableau de Liga. Traumatisé dans un présent douloureux : un passage en seconde division et deux saisons funestes, le club ressentait toujours au fond de lui la nécessité de séduire pour vivre. Cet été, lorsque Quique Setién débarque, le Benito-Villamarín fait peau neuve. Et Lorenzo Serra-Ferrer, ancien de la maison entre 1993-1997 et 2004-2006 qui prend les commandes de la direction sportive, ramène avec lui des souvenirs glorieux. Pour le premier mercato, les Béticos tentent de se renouveler avec des joueurs d‘expériences à prix mineurs (Javi Garcia, Guardado, Zouhair Feddal), d’autres qui ont besoin de confirmer (Sergio León, Cristian Tello), quelques paris en prêt (Joel Campbell, Jordi Amat, Antonio Barragán) et deux jugones (Boudebouz, Camarasa). Un renouvellement à toutes les échelles et un changement de cap pour mieux exprimer son identité : « Balompié ».
Xavi déclarait récemment dans un entretien à So Foot : « Dans le football, il y a deux types d’entraîneurs. Ceux qui ont peur d’avoir la balle parce qu’ils ne savent pas quoi en faire. Et ceux qui ont peur de ne pas l’avoir parce qu’ils ne savent pas vivre sans elle ». Setién fait partie de la deuxième école. Il y a quelques jours pour Marca, il affirme : « J’ai toujours ressenti le football à travers le ballon. C’est ce que j’ai tété depuis la cour de l’école ». Une histoire de vitalité, c’est bien ce dont le Betis avait besoin.
Le guide Setién
« Nous essayons de ne pas avoir un système défini mais il faut avoir la possibilité de changer pour altérer ce qu’attend l’adversaire de nous. Ce qui ne change jamais en revanche, c’est l’essence du jeu : ressortir le ballon depuis derrière, combiner, avancer en se passant la balle ». Avec Quique, le schéma tactique peut varier, la manière non. D’emblée, ces formations changent de visage : lors des onze premières journées de Liga, le coach betico aligne onze compositions différentes mais la philosophie de jeu reste la même : conservation du ballon. Un modèle simple et éthique, à l’image du personnage Setién.
Dès le début de saison, les Verdiblancos surprennent : défaits au Camp Nou, ils s’imposent ensuite au Bernabéu avant d’enchaîner deux victoires contre Levante et Alavés, un nul contre la Real Sociedad et une défaite contre Valence. Avec une moyenne de deux points empochés par match en neuf journées, ils récoltent près de la moitié des points obtenus en bout de saison. Si le jeu au sol des hommes de Quique Setién surprend, les risques à la relance coûtent cher : 17 buts encaissés à la neuvième journée (défaite 3-6 contre Valence et nul 4-4 à Anoeta). Les blessures, le turn-over constant et une crise de résultats en novembre vont impacter l’ossature : 44 buts pris à la fin janvier.
Les relances de Bartra, la foudre Verdiblanca
Les idées sont perceptibles mais la foi elle, met logiquement du temps à s’installer. Entre la neuvième journée et la vingt-et-unième, son Betis décroche seulement trois victoires et tombe sept fois. Le prix à payer de l’adaptation culturelle. Si Quique Sétien l’admet : « Il est vrai qu’avoir des bons footballeurs qui sont techniquement doués rend la tâche plus simple (…) mais mon modèle de jeu consiste simplement en une bonne compréhension du jeu », il suffira d’une dizaine de millions d’euros – et d’un énième joueur doué techniquement – pour voir son football risqué, plus équilibré. Pour le second mercato, Marc Bartra débarque le long du Guadalquivir et deux joueurs sortent de la cantera : Júnior Firpo et Loren Morón. Toque Party.
Alors que pendant les six premiers mois, Setién offrait une défense à quatre et présentait les limites de ces joueurs : le ballon a du mal à passer la première ligne de pression et lorsque Javi Garcia décroche pour relancer, Guardado et Fabián se trouvent ensuite esseulés dans l’axe. Dès l’arrivée de Marc Bartra, il adapte sa défense pour en faire le premier pion de son jeu de position. Contre Villarreal, l’entraineur espagnol sort un 3-5-2 flexible et une mutation s’opère. Dans cette composition ou dans un 3-4-3 « cruyffien », le football de Setién devient une compilation de combinaisons esthétiques et redoutables. En phase défensive, le repli des ailiers permet de passer en 5-3-2, de couvrir les côtés tout en densifiant le milieu et d’enfermer le détenteur du ballon. Quant au pressing, aucune restriction structurelle : chaque joueur près du porteur de balle engage une course et tente de fermer les angles de passes, pour retrouver le contrôle du cuir le plus rapidement possible.
À la récupération, son Betis fait parler sa foi. Les joueurs s’écartent, les mouvements se multiplient rapidement autour du porteur de balle et les lignes de passes se dévoilent dans le bloc adverse, sous la forme de pauses et de courses verticales des latéraux. Une foi qui gagne tout le monde, des 55 000 aficionados en moyenne du Villamarín à la jeunesse et l’expérience du terrain. En pointe haute du milieu en diamant, Ryad Boudebouz expose tout son sens du déséquilibre alors qu’en pointe basse, le jeune milieu de la Cantera, Fabián Ruiz (22 ans) oriente le jeu. Guardado ne se contente plus d’un rôle d’interrupteur sinon de récupérateur, Javi Garcia retrouve son meilleur niveau, tandis que le vétéran Joaquín rayonne dans l’axe par sa créativité. Respectivement à gauche et à droite, les jeunes de la cantera Júnior Firpo et Francis (22 ans) envoient Durmisi et Barragán sur le banc. En attendant le retour de blessure de Sanabria, Loren Morón fait bien plus que rendre des services (24 ans, 7 buts). Derrière, Marc Bartra pur produit de sa culture, dévoile toute sa technique à travers l’intérieur du pied. « Je suis connecté avec sa manière de voir le football, ses entraînements. C’est la manière de jouer qui me plaît, celle que je ressens et aussi celle que je crois la plus efficace » racontait le Catalan, l’homme du changement. Le toque, un culte moderne.
Des mots, du jeu et des points
Si à l’hiver la posture de Setién était déséquilibrée, c’est en mourant avec ses idées qu’il regagne les cœurs dans l’Héliopolis. Cette transformation du Betis est née d’un travail tactique. Des joueurs : « La conviction de tous de développer cette idée nous a beaucoup aidé » dit Quique, jusqu’à l’entraineur : « Depuis que nous jouons à trois joueurs derrières, nous sommes une équipe beaucoup plus mûre, agressive et attentive qu’au début du championnat ». Et beaucoup plus victorieuse. Au classement, d’une part. De mars à mai, son Betis gagne presque tous les points (22 sur 24 possibles), par le jeu (13 buts marqués, 2 encaissés). Symbole.
Et dans les cœurs : « Le modèle de jeu principalement fondé sur la conversation du ballon, c’est ça ma maxime. Chaque joueur profite plus du football avec le ballon dans les pieds que courant derrière lui » raconte-t-il. Une obsession du contrôle et de la prise d’initiatives, avec au bout une moyenne de 58% de possession de balle, juste après le Barça (63%) et le Real (60%). Avec Fabián Ruiz et Joaquín, tout part de l’axe du terrain : l’équipe contrôle, le ballon court plus que les acteurs, les permutations chamboulent le bloc rival avant de renverser sur les côtés. Une formation que tout le monde aime voir jouer, qu’elle finisse par perdre (3-5 conte le Real Madrid), buter sur Jan Oblak (0-0 contre l’Atlético de Madrid) ou gagner (Girona 0-1), animée dans le fond par le jeu avant l’enjeu.
Tandis que du côté de Nervión, les entraîneurs se succèdent depuis le départ d’Eduardo Berizzo en décembre dernier, Quique Setién et Eder Sarabia font leur révolution côté Betis. Elle commence tout juste sa route et séduit de plus en plus de partisans. Quique en est le guide, Rubén Castro et Joaquín sont ces fidèles soutiens, de plus en plus de dévoués idéologiques et techniques veulent s’y joindre (Pau Lopez, Inui, Canales), les portes de la cantera sont ouvertes et Setién en tire ses meilleurs servants. Assez pour en faire un chef-d’œuvre la saison prochaine ? Du Villamarín aux autres stades de Liga, le projet du Betis répand un festival génial de combinaisons balle au pied. Sans gagner de trophées, l’Espagne en a succombé de romantisme, elle s’attaque maintenant à l’Europe. Le feu est vert, EuroBetis.