Nicolu Bertrand-Castelli est l’un des capos (chef) du groupe ultra bastiais « Diaspora Turchina ». Les siens, comme une grande partie des Corses, s’opposent à la journée de Ligue 1 programmée le 5 mai (date du drame de Furiani). Pour La Grinta, il revient sur l’action menée à Châteauroux, le déploiement d’une banderole destinée à laLigue de Football Professionnel.
Nicolu, raconte-nous un peu l’histoire de ton groupe, « Diaspora Turchina », et sa vocation ?
NBC: Tout d’abord, il faut savoir que Diaspora Turchina est née lors de la descente en National. Nous avons décidé avec un certain nombre de corses exilés sur le continent, et plus précisément des supporters bastiais de monter un collectif. Ce qui paraissait logique dans la mesure où il serait constitué d’anciens Testa Mora, de Turchini 75, Rebels, de membres Bastia 1905 et de supporters « sans-étiquette ». Le but était de rassembler un maximum de bastiais sur le continent afin que, lorsque le club se déplace à l’extérieur, il se sente soutenu en dehors de Furiani. Nous nous sommes également aperçus qu’en créant un groupe comme celui-ci, cela permettrait aux corses du continent, souvent éparpillés, de tisser des liens et de faire les déplacements en commun (souvent longs), ce qui en aurait découragé plus d’un s’il avait fallu le faire seul. Diaspora Turchina est ensuite passée en association loi 1901 au cours du mois de janvier. Lorsque nous avons voulu mettre en place la vente de produits dérivés (afin de développer les animations au stade, drapeaux, tifos, étendards, organisation de déplacements en commun), le passage en association était indispensable légalement. A noter que Diaspora Turchina est composée de deux sections qui divisent la France en deux (SEZZIONE SUD-EST et SEZZIONE SUD-OUEST).
Quelles sont vos relations avec les autres groupes de supporters bastiais ?
NBC: Nos relations avec Bastia 1905 et les Turchini 75 sont bonnes. Au début, on a un peu ressenti de la curiosité à notre égard (qui sont-ils, quel est leur but, leur objectif), ce qui est normal. Il a fallu que nous fassions nos preuves durant la saison de National. Il fallait montrer qu’une organisation comme la notre puisse tenir la route. On veut surtout continuer à faire notre « bout de chemin » avec toujours autant d’humilité. Le jour où nous aurons autant de vécu et d’impact que Bastia 1905 nous pourrons dire que nous aurons réussi.
Entretenez-vous des liens avec les dirigeants du club ?
NBC: Depuis le départ il n’y a jamais eu de souci avec les dirigeants. Au tout début avant même que nous passions en loi 1901, nous avons eu droit à un article sur le site officiel du club annonçant notre création. Par la suite, nous avons reçu les remerciements et félicitations de dirigeants pour ce que nous avions fait sur le continent. Aujourd’hui, il nous reste à confirmer cette démarche.
La relégation en National a-t-elle été un mal pour un bien finalement pour le Sporting ?
NBC: Au final, oui. Je le pense comme bon nombre de « turchini » (au pays ou sur le continent la descente a, dans un premier temps, été très mal vécue). Je me rappelle de certaines conversations où j’entendais dire : « le Sporting c’est cuit, je n’irai plus ni au stade ni en déplacement ». Et puis, il faut croire que ça n’a fait que renforcer l’orgueil du peuple bleu puisque Diaspora Turchina s’est créée à ce moment là. La remobilisation autour du club s’est faite, le club lui-même a pu se rebâtir sur de bonnes bases avec une accession en Ligue 2 et un titre de champion à la clé. Reste pour le club à continuer sur cette lancée et à confirmer dans les années à venir.
Le club est sur le podium à la trêve après une écrasante victoire sur Tours (4-1). Selon toi, c’est le retour du « grand » Bastia ?
NBC: J’en ai l’impression. Lorsque tu reviens du néant, qu’il a fallu reconstruire une équipe, se battre sur divers fronts pour s’en sortir, remonter en Ligue 2 immédiatement, te retrouver troisième à la trêve, ça fait rêver. D’autant plus que c’est quasiment le même effectif que l’année passée en National et qu’on a un public retrouvé. Alors oui, j’y crois. La réponse nous l’aurons au mois de mai.
De l’extérieur, on a l’impression que le contexte extra-sportif fait la force de cette équipe (Suspension de terrain, 20 ans du drame de Furiani…). Tu confirmes ?
NBC: Je pense que l’équipe, elle même, est très bien encadrée. Elle dispose de beaucoup de qualités bien qu’elle soit assez jeune. Elle est consciente de ses capacités tout en restant humble. Après il est évident que lorsqu’on a un public comme celui de Furiani on ne peut que se surpasser. Furiani ce n’est pas Old Trafford ou Santiago Bernabeu, mais ce stade a une âme et une force qui n’existent nulle part ailleurs. Ce que le maillot bastiais et son stade représentent pour ses supporters est presque « religieux ». Enfin, je pense aussi que lorsque tu es un joueur dans un club comme le Sporting, qu’au quotidien tu vis des injustices comme ce fut le cas contre Monaco, Le Mans, Lens ou tout simplement la réponse indigne concernant la date anniversaire de la catastrophe, que tu t’identifies ne serait-ce qu’un minimum au club dans lequel tu joues alors oui, ça te donne l’envie de te surpasser.
Peux-tu revenir sur l’incident de la banderole à Châteauroux, que s’est-il passé exactement ?
NBC: Suite à la réponse de la Ligue et les actions menées par les supporters et le club au pays, il était inconcevable de rester les bras croisés à attendre que ça se passe, sans rien faire de notre côté. Nous avons décidé de sortir une banderole, sans insultes (ou était inscrit « 5/5/92 BAFOUE, LA LIGUE N’A AUCUN RESPECT ») qui avait pour but de sensibiliser les médias. Nous nous sommes réjouis du résultat. Bien que la banderole ne comportait pas d’insultes, on nous a fait parvenir la Police Nationale dans le parcage afin de l’enlever (eux mêmes ont trouvé cela ridicule). Le match a été retardé de 15 minutes. Le coup d’envoi a eu lieu, malgré tout, avec la présence de la banderole. Le tapage médiatique qui s’en est suivi prouve le ridicule voire la discrimination de certaines personnes dans le football français.
Pourquoi la décision de la LFP, à savoir une minute de silence sur les terrains de football le 5 mai, ne vous convient-elle pas ?
NBC: Cette décision ne nous convient pas pour plusieurs raisons. Je me souviens du discours du président de la FFF de l’époque qui s’était engagé pour qu’il n’y ait plus de match le 5 mai. L’ancien président de la République avait affirmé la même chose. Toutes ces paroles n’ont jamais été tenues et sont depuis 20 ans une insulte à la mémoire de ces morts, de leurs familles meurtries. Il est inacceptable que l’on puisse faire de cette date anniversaire un jour de fête (un club pourrait fêter un titre ce jour là, comme ce fut le cas de Marseille il y a deux ans, si on ne modifie pas le calendrier). Le 5 mai doit être une journée de recueillement, pour se souvenir et respecter la mémoire de toutes les personnes qui vécurent la plus grosse catastrophe du football français. Les anglais respectent les drames du Heysel et d’Hillsborough, pourquoi les français ne respecteraient pas celui de Furiani ? Puisque la Ligue prône le respect…
propos recueillis par AV