Après l’élimination en Ligue des champions, le Barça de Tata Martino a perdu un nouveau trophée : La Coupe du Roi, abandonné au Real Madrid de Carlo Ancelotti. En défendant dans un 4-4-2 très basique, l’entraîneur italien a parfaitement utilisé les qualités naturelles de contre-attaque de son équipe. Gareth Bale a brillé et offert la victoire au Real sur un rush exceptionnel.
La principale question tactique de l’avant-match était l’organisation du Real. Comment faire pour ne pas revivre le cauchemar défensif du dernier Clasico ? Et bien sûr comment jouer sans Cristiano Ronaldo ? A la première question, Ancelotti a apporté la réponse la plus prévisible, et posé le 4-4-2 de contre-attaque qui lui avait permis de briller l’an dernier en Ligue des champions avec Paris. Contre ce même Barça, et dans cette même enceinte de Mestalla face à Valence.
Le choix du 4-4-2
Exit donc, le 4-3-3 et son pressing haut dont le Barça avait trop facilement su se sortir en championnat. Et place au 4-4-2, à plat.
Durant de nombreuses séquences, l’habituelle méthodologie en attaque placée du Barça s’est heurtée à un bloc de 8 joueurs. Deux lignes de 4, sur un modèle proche de celui de l’Atlético. On peut également établir une certaine analogie entre le Real qu’on a vu hier soir et le PSG qui s’était rendu au Camp Nou l’an dernier : Bale dans le rôle de Lavezzi (le réalisme en plus), Benzema dans celui d’Ibra, Isco comme Pastore, Modric comme Verratti ou encore Xabi Alonso comme Motta.
Pour le Real, l’enjeu était de tenir la largeur par le 4-4-2 pendant le repli, d’utiliser la qualité technique des uns pour ressortir proprement le ballon, et la vitesse des autres pour appuyer là où ça fait mal.
Di Maria est facteur X de cette double organisation : il doit jouer le double rôle de milieu droit sans le ballon en 442, et d’ailier droit en phase offensive en 4-3-3. C’est lui qui ouvre le score en remplissant ce double cahier des charges.
En jouant mieux certains coups offensifs dans les mêmes circonstances, le Real aurait pu se mettre à l’abri avant l’heure de jeu.
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C’est le mauvais alignement de Bartra qui ouvre la porte à Benzema. Quand Bale reçoit le ballon dans le dos de Busquets, Mascherano sort sur lui, au delà de la ligne médiane. Bartra calque quant à lui son mouvement sur celui du Français, recule et le couvre. Fatalement, la porte s’ouvre à sa qualité de passe.
Un but symptomatique des failles du Barça de Tata : Mascherano joue le hors-jeu, Bartra la couverture. L’un défend en avançant, l’autre en reculant : le cocktail explosif des recettes du passé et de celles du présent. Voire du futur, tant le Barça semble condamné à l’évolution.
Attaque placée à 7 contre 8
L’ouverture du score rapide accentue l’attaque-défense. L’échec du Barça en attaque placée a une impression de déjà-vu, tant les symptômes de sa non-évolution dans le jeu se répètent : manque de présence dans la surface, de pénétration face à des lignes resserrées et de percussion par manque de verticalité dans l’animation. Le schéma est toujours le même : un 7 contre 8 prévisible, sans présence dans la surface.
Xavi cherche au large, Neymar ou Iniesta percutent de façon infructueuse et les séquences se terminent irrémédiablement par des centres. Comme mercredi, leur inhabituelle profusion (30) fait regretter l’absence d’un numéro neuf plus classique, type Llorente ou Mandzukic. Les séquences du Barça finissent souvent à droite où l’application défensive d’Isco a été décisive : 6 tacles réussis sur 9 pour le jeune Espagnol. Avec 126 ballons touchés, Alves est le Barcelonais le plus sollicité de la partie. Cela dit, ces stats ressemblent plus au symptôme d’une totale impuissance offensive qu’à un plan délibéré.
L’attitude défensive de Carvajal rappelle celle de Juanfran lors de l’aller au Camp Nou, et quand Iniesta trouve Cesc dans le même intervalle (entre le latéral et le stoppeur), le centre au cordeau du Catalan ne trouve pas preneur. Seule alternative : la boite. C’est Alba (1m70) qui produit d’une tête le premier tir cadré du Barça, au quart de la rencontre.
Par rapport au dernier Clasico en date, la station plus basse de son bloc et ses lignes plus serrées offrent au Real un bien meilleur équilibre défensif.
La pression va s’accentuer dans le dernier quart de la première mi-temps. Notamment à l’initiative de Busquets, qui monte d’un cran et vient faire le nombre en attaque, emmenant Bale dans son sillage. Le Real va reculer et voir sa transition très affaiblie, mais résiste assez sereinement jusqu’à la mi-temps. Le premier tir (du pied) barcelonais est une frappe forcée et écrasée de Messi à la 35e.
Ramos – Pepe sur les seconds ballons
Comme Diego Simeone mercredi dernier, Carlo Ancelotti devait trouver un équilibre pour ne pas trop faire durer la phase de repli et minimiser ses temps faibles. Mais il n’a pas pu bénéficier d’une telle domination dans les airs. Ce qui a rendu le rôle de Ramos et Pepe relativement différent de celui de Miranda et Godin.
À chaque fois que Casillas a allongé et que le duel fut gagné par un blaugrana, leur importance sur les seconds ballons était capitale. Le Real défendait en 4-4-2 à plat et n’avait donc pas véritablement de pointe basse pour protéger la charnière. Défensivement, ils devaient sortir de leur zone sans faute dès lors que la ligne était coupée par la qualité de passe du Barça, quand le bloc du Real était à mi-terrain.
Sur ces deuxièmes ballons, ils devaient contrôler rapidement et ressortir proprement sous la pression du Barça.
Ils l’ont parfaitement fait (une faute, à eux deux) et se sont même offert le luxe d’accompagner certaines attaques, ce qui a permis de poser des séquences de possession nécessaire à la respiration madrilène. Leur seul échec en relance provoque la plus belle occasion de la première mi-temps : une frappe croisée de Messi. La seule jusqu’à l’égalisation.
Martino fait entrer l’ambidextre Adriano pour Jordi Alba à la mi-temps. Mais le schéma reste le même et c’est une énorme occasion de Bale qui conclut 3 minutes de possession du Barça à l’entame de la deuxième mi-temps.
La maladie du Barça / Le tournant de la 68e minute
Comme l’illustrent les déplacements contraires de Mascherano et Bartra sur le premier but, le Barça est malade d’une certaine schizophrénie défensive cette année sous Martino. Profitant des espaces créés entre un milieu qui presse et une défense qui recule, le Real s’offre même le luxe d’être dangereux en attaque placée. Benzema n’est pas loin de doubler la mise en profitant de cette incohérence à la 66e.
Plusieurs situations similaires se sont produites : en première mi-temps sur l’occasion d’Isco et en fin de match, quand Modric trouve le poteau.
Ces incohérences défensives permettent à Madrid d’attaquer l’espace et de trouver des appuis entre les lignes distendues du Barça. Sur le corner qui suit cette séquence, Bale marque un but refusé après une faute sur Pinto.
Le Barça va égaliser sur l’action suivante.
La présence d’Adriano, et la menace de sa frappe pied droit ne sont d’ailleurs pas étrangère à l’obtention du corner. Pepe est pris par l’appel-contre-appel de Bartra et commet sa seule erreur du match. Mais l’égalisation est dure pour Madrid, tant elle est tombe – comme le veut la formule consacrée – contre le cours du jeu. Le Real paye d’avoir mal joué un certain nombre de coups offensifs à 1-0 et se fait punir, comme c’est si souvent le cas en football.
L’entrée percutante de Pedro fait souffrir Madrid dans le 1 contre 1, même si les ballons sortent toujours et que le Real reste dangereux. A ce moment-là, l’avantage psychologique, dû à l’égalisation, et physique (2 changements à zéro) rendent le climat très stressant pour les merengue.
Fatales compromissions / préparation idéale
La deuxième question de l’avant match était de savoir comment le Real gèrerait l’absence de Cristiano Ronaldo. Finalement, elle ne s’est pas posée. Sans lui, le Real a même été meilleur que lors du Clasico, même s’il a gâcher quelques cartouches en attaque rapide. Le trident offensif Bale – Benzema – Di Maria s’est très bien comporté, trouvant le bon équilibre entre décrochages et appels croisés dans l’espace, en profitant bien des errances défensives de ce Barça-là. Le Gallois a pris ses responsabilité dans la finition, et assumé celles du Portugais dans la transition, grâce à ses qualités naturelles de contre-attaquant.
Si Di Maria fut le joueur clé de la transition, Isco a été celui de l’équilibre défensif. Il récupère et sort les ballons qui amèneront les deux buts du Real.
Sur celui de Bale, Coentrao joue intelligemment le coup et cherche rapidement Bale, dans des circonstances qui rappellent la passe de Marcelo pour Di Maria lors de la finale 2011. Malgré la charge de Bartra, le Gallois fait parler son incroyable puissance et fait le tour du défenseur barcelonais, en grande difficulté dans la défense haute.
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Ancelotti sort ses deux joueurs-clé d’un coup et passe tout près du désastre, alors qu’Illara est en retard, et que Neymar trouve le poteau. La victoire du Real est tout de même logique. Globalement, le plan en contre-attaque d’Ancelotti a parfaitement fonctionné et son équipe aurait pu (dû) se mettre à l’abri plus tôt. En utilisant une recette à mi-chemin entre la sienne à Paris et celle de Simeone à l’Atlético, Carlo Ancelotti a parfaitement préparé son équipe aux séquences d’attaque-défense qui l’attendent – à priori – face à la folie artistique de Guardiola mardi prochain.
En une semaine, Tata Martino a perdu 2 des 3 trophées que le Barça convoitait cette saison. Voire 3 avec la défaite de ce week-end en Liga. Mercredi, il a chuté face aux 3 schémas de Diego Simeone, hier face à la double organisation de Carlo Ancelotti. Dans les moments clés de cette saison, son équipe a terriblement souffert de son absence de plan B et de ses contradictions défensives.
Son Barça n’est ni un Barça qui recule, ni un Barça qui presse haut. De ce paradoxe sont nés des lignes distendues et un alignement défensif douteux et inefficace. En refusant de trancher dans le vif et de véritablement moderniser son équipe, il est allé dans le mur. Son échec nous apprend que le compromis n’est qu’un ami éphémère de l’entraineur.