D’un club obscure voire inconnu sur la scène russe à un poids lourd pouvant rivaliser avec de grosses pointures européennes, le rêve de l’Anzhi Makhachkala avait de quoi susciter la curiosité de la doxa footballistique. Aujourd’hui, l’Anzhi est actuellement bon dernier du championnat (12 points en 21 journées). Chronique d’une chute rapide et brutale.
L’Anzhi, c’était ses stars, ses excès et ses anecdotes amusantes comme la Bugatti Veyron offerte à Roberto Carlos pour son 38ème anniversaire par Suleyman Kerimov, président du club et surnommé le « Gatsby russe » par la communauté russophone de la Côte d’Azur où il a pour habitude d’y séjourner assez souvent. C’est aussi les multiples hélicoptères affrétés pour les joueurs afin qu’ils puissent faire le trajet de Moscou jusqu’au centre d’entraînement au Daguestan, région sous vive tension. Ceci est donc une époque bien révolue pour un club qui touche le fond au classement.
2011 : le temps de la prospérité
Le 18 janvier 2011, ce milliardaire local rachète le club de Makhatchkala, la capitale du Daguestan (République autonome de Russie).
Kerimov a bâti sa fortune sur des coups de poker bien ficelés. Tout d’abord dans le secteur bancaire, il tisse un réseau qui lui permet d’acquérir des parts chez Gazprom (leader mondial du gaz) en 2003. La société en expansion lui permet d’être en 2008 la 36e fortune mondiale.
Durant la crise de 2008, sa fortune chute de manière considérable à cause de mauvais investissements dans le secteur bancaire et avec le capital restant (environ 3 milliards de dollars), il mise sur l’or mais surtout dans la potasse où il reprend 53 % d’Uralkali (spécialisée dans le secteur) à un certain Dimitri Rybolovlev actuel propriétaire de l’AS Monaco. Il se refait une santé financière qui lui permettra de racheter l’Anzhi Makhatchkala.
Le début d’une ère pour le club du Daguestan qui fait signer dans la foulée du rachat Roberto Carlos. Il marque là son premier coup médiatique et envoie les projecteurs sur son club inconnu jusqu’alors.
Mais c’est durant le mercato estival de 2011 où Kerimov va véritablement bomber le torse et marquer son territoire. Yuri Zhirkov (ex-Chelsea), Balázs Dzsudzsák (ex-PSV) mais surtout Samuel Eto’o signent au Daguestan. Le coup médiatique suscité par la star camerounaise va porter l’Anzhi parmi les favoris pour le podium final du championnat et certains spécialistes aussraient même que l’Anzhi pouvait largement rivaliser avec les pointures moscovites ou le Zénit St-Pétersbourg.
Une 5e et une 3e place les deux saisons suivantes vont consolider la puissance du club sur la scène nationale puis un seizième de finale en Europa League conforte les objectifs sur le moyen terme de Kerimov, c’est à dire atteindre la Champions League dans 3 ans.
Tout allait donc pour le mieux mais plusieurs événements sportifs et extra-sportifs vont ébranler l’avancée du club jusqu’à mener ce dernier à la chute.
2013 : la chute brutale
7 août 2013, un communiqué marque le début de cette chute. Suleyman Kerimov décide de réduire drastiquement le budget du club en invoquant des problèmes de santé qui freineront à terme son investissement personnel dans le fonctionnement du club.
Conséquence directe de cette décision, la vente des stars et des joueurs cadres du club.
Une semaine plus tard, Zhirkov, Kokorin et Denisov (qui venait tout juste de débarquer au club) sont vendus au Dynamo Moscou tout comme Christopher Samba quelques jours plus tard.
Boussoufa et Lassana Diarra rejoignent quant à eux le Lokomotiv Moscou. Puis la fin de ce grand ménage sont les ventes de Lacina Traoré à l’AS Monaco, Samuel Eto’o et Willan prennent la direction de Chelsea.
Le club a encaissé plus de 120 millions d’euros pour le plus grand bonheur de Kerimov mais problème, à moins de quatre jours de la clôture du mercato, l’équipe n’a quasiment plus de joueurs et le club se met à acheter à tout va pour pas cher.
Une restriction budgétaire, une équipe remodelée quasiment à 100 % et un nouvel entraîneur ; le cocktail parfait pour couler un club et ça a pas manqué.
Mars 2013, le club est lanterne rouge du championnat, douze points glanés en 21 journées et une élimination en Europa League contre l’AZ Alkmaar en huitièmes de finale.
La compétition européenne était encore le seul espoir de briller pour un club qui s’enlise de plus en plus vers une relégation annoncée (l’Anzhi est à 5 pts du premier non-relégable).
Ces raisons sportives se couplent à des événements qui concerne Kerimov.
Revenons quelques temps auparavant, quand il a repris la majorité des parts d’Uralkali.
La société russo-biélorusse partage le monopole de la potasse avec une autre société canadienne et afin de briser le monopole dont il est forcé de partager, Uralkali fait chuter les prix et augmente sa production au maximum, ce qui va malmener son concurrent canadien mais aussi l’économie biélorusse.
Le président du pays fait arrêter le PDG d’Uralkali et Kerimov est contraint de vendre ses parts à Mikhail Prokhorov (un proche du Kremlin).
Bien qu’il ait réduit le bugdet du club (de 180M contre 40M aujourd’hui), Suleyman Kerimov reste toujours en poste et tient à faire de l’Anzhi un club formateur encadré par quelques étrangers.
En moins de trois ans, ce club qu’on pouvait qualifier de « nouveau riche » sombre dans ses mauvaises heures et va peut-être retrouver la classe inférieure dès la saison prochaine.
Les nouveaux riches ne sont pas toujours synonyme de succès et de gloire dans le football et dès que les capitaux disparaissent, les bons résultats en font de même… Une logique néfaste pour ce sport qui véhicule tant de valeurs. Et nul doute que des exemples comme l’Anzhi Makhatchkala vont se multiplier dans les dix années à venir.