Près d’un an après sa création lors des premières Assises du supporterisme, le Conseil National des Supporters de Football a organisé la deuxième édition mercredi avec un peu plus d’expérience. Si les revendications sont toujours les mêmes, les échanges avec les instances du foot aussi limités, le message délivré se voulait le plus rassembleur possible. Pour ainsi faire tomber les dernières excuses de « légitimité » et « représentativité » derrière lesquelles se cachent certains dirigeants pour éviter le dialogue.
« J’ai l’impression d’être il y a dix ans avec des fauteuils vides (ceux de la FFF, LFP et UCPF, ndlr) ». Le constat, amer, est signé Didier Decoupigny, président du 12 Lensois, l’une des associations officielles, et ancien membre de l’ex-Fédération des Associations de Supporters (FAS). Cet échange inexistant avec les instances du football français était déjà dénoncé il y a un an lors des premières Assises du supportérisme, et réitéré ce mercredi au Sénat lors des secondes Assises. Depuis, le Conseil National des Supporters de Football (CNSF) a choisi de se tourner vers la solution politique pour faire bouger les choses. D’ailleurs, Thierry Braillard s’est senti obligé de rappeler « qu’un ultra n’est pas un sauvage », preuve de la mauvaise image véhiculée par les supporters en général.
Nombre d’entre eux regrettent que le secrétaire d’État aux Sports se soit éclipsé, agenda ministériel oblige, juste après son discours, sans avoir pu l’interroger. Le membre du gouvernement a cependant affirmé son soutien aux revendications du CNSF : dialogue, transparence, représentation au sein des clubs et des instances. Seul bémol émis par le sociologue Nicolas Hourcade : cette volonté des pouvoirs publics à ne vouloir qu’un seul interlocuteur. Le co-auteur du fameux Livre vert du supportérisme (2010) sous Rama Yade – dont le travail reste à ce jour sans suite – propose donc de créer « une structure parapluie » qui engloberait toutes les sensibilités (handicapés, CNSF, Association Nationale des Supporters, associations officielles et projets d’actionnariat populaire) indépendantes des unes des autres.
Relations clubs-supporters : l’exemple suisse
Toutes ces familles de supporters aux intérêts divers partagent au moins une attente commune : l’application de la norme SLO (Supporter Liaison Officer) en France, soit un référent des fans par club. Il s’agit d’une obligation de l’UEFA (art.35 UEFA’s Club Licensing and Financial Fair Play Regulations) depuis la saison 2012-2013. Comme le souligne Stuart Dykes de Supporters Direct, structure soutenue par l’UEFA : « C’est à la FFF de contrôler le respect de cette norme ». Reste que les clubs français sont en retard sur la question. Et même lorsque ceux-ci sont officiellement pourvus d’un SLO, des supporters pourtant impliqués dans la vie de leur club, comme à Metz, n’affirment avoir appris leur existence que récemment.
L’enjeu est simple : augmenter l’implication et améliorer la communication des fans. « Souvent, les clubs essayent de mettre un employé à ce poste, nous recommandons un expert des supporters », renchérit Stuart. Nos voisins suisses font figure de modèle avec un véritable programme SLO en place comportant des cours obligatoires. Jérôme Lambert, qui occupe cette fonction au FC Lausanne, témoigne : « Les deux ou trois premières années, c’était la galère. Maintenant, tout le monde me connaît, ça se passe très bien ». Et pour cause, il a obtenu des résultats éloquents : une « suppression de la fouille à l’entrée du bloc supporters à domicile. Aucun incident, sauf deux torches allumées qui seraient quand mêmes rentrées […] Il y a aussi eu la création d’un tarif étudiant. Le club gagne une meilleure image auprès des fans, un sentiment de proximité ». Mais le Suisse insiste : « On n’est pas un supporter infiltré dans la sécurité (du club, ndlr) ».
Malheureusement, en France les choses semblent plus compliquées. « Les supporters peuvent se structurer, devenir des acteurs représentatifs tout en gardant leur identité propre […]. S’il faut passer par une loi, faisons-le », encourage Thierry Braillard. Et c’est le chemin législatif qui est privilégié par le CNSF, soutenu par plusieurs parlementaires dans sa proposition de loi qui s’inscrirait dans le code du sport. L’avenir nous dira si ce projet de législation sera oublié au fond d’un placard, comme tant d’autres.