Elle a perdu son fils lors des dramatiques affrontements entre Romains et Napolitains du 3 mai 2014, jour de la finale de Coupe d’Italie. Pourtant la mère de Ciro Esposito ne véhicule depuis qu’un seul message : l’amour. Au point de se considérer mamma de tous les Italiens. En vain, alors que la Roma et Naples se rencontrent ce samedi et que la rivalité atteint son paroxysme.
Qu’il y-a-t-il de pire que de perdre son enfant pour une mère ? Probablement pas grand-chose. Surtout pour un « simple » match de football. Antonella Leardi n’a ainsi jamais vu revenir Ciro Esposito, pas encore trentenaire, de cette finale de Coupe d’Italie Naples-Fiorentina à Rome. Ce jeune homme, originaire de Scampia ce quartier pauvre et fief de la Camorra, est connu de tous pour sa gentillesse et son sens du travail. « C’était l’exemple du vrai supporter, son amour pour le football était sain », témoignera sa maman sur la Rai. Il décédera au terme d’une agonie d’un mois, suite à un coup de feu tiré par Daniele de Santis, un ex-membre de la Curva Sud de la Roma qui ne fréquentait plus les stades. Presque un an après ces terribles événements, le discours d’Antonella Leardi n’a pas bougé d’un pouce : pas de vengeance, plus jamais de mort pour du football.
Elle valide définitivement son surnom affectueux de « mamma d’Italia », en septembre dernier au cours de la retransmission Tiki Taka. Elle se montre une nouvelle fois avec la larme à l’œil mais incroyablement digne et forte : « Ils sont venus tellement nombreux me trouver, même les Romanisti. Et je les ai tous embrassés parce que Ciro était un supporter italien, pas seulement du Napoli ». Un message fort. Comprenez qu’à Naples, ou comme ailleurs, le rejet de l’État est important, l’hymne Fratelli d’Italia a d’ailleurs plusieurs fois été sifflé au San Paolo. Signora Leardi a aussi révélé que deux ultras de la Curva Sud en pleurs étaient venus lui demander pardon à Scampia peu après les faits. Elle déclare même avoir pardonné De Santis. Antonella créé par la suite l’association « Ciro Vive » qui s’investit socialement, elle rend par exemple visite à des enfants malades à l’hôpital en déguisement. Et force l’admiration de tous, y compris lorsqu’elle se rend en Curva B (réputée chaude) pour assister à un match à la place habituelle de son fils.
Une exposition médiatique qui dérange
Malgré toutes ces tentatives d’apaisement, cette rencontre n’a jamais été aussi tendue. Interdiction de déplacement des supporters romains à l’aller, quasiment pareil au retour puisque seuls les tifosi azzurri qui n’habitent pas en Campanie et munis d’une tessera -une aberration bien italienne – ont un secteur réservé. Le match se joue ce samedi à 12 h 30 –encore une ineptie –et figure à au niveau maximum (4) sur l’échelle des manifestations sportives à risque. Rendez-vous compte, près de 2000 policiers sont mobilisés à travers la capitale ! En dépit du contexte, Antonella Leardi s’est fendue en milieu de semaine d’une sortie que les autorités ont apprécié : « Je regrette qu’il n’y ait pas de supporters napolitains dans les tribunes. Pour les supporters sains, il s’agit d’une défaite ».
Mais comme tous ces personnages qu’on érige en premier lieu en héros, l’étape suivante constitue à les rabaisser et décrédibiliser. En dehors de Naples, la popularité de la « mamma d’Italia » est écornée. Il lui est reproché son omniprésence dans les médias, parfois assez violemment sur les réseaux sociaux. Selon certains, elle chercherait un peu trop la lumière via la mort de Ciro. Comme lorsqu’elle demande à Francesco Totti un geste d’affection avant le match aller. Ou de déplorer qu’elle ne soit pas invitée à l’Olimpico ce samedi tandis que d’autres parents de victimes du Calcio sont silencieux. Voire pire, d’en réaliser un profit surtout à la sortie de son livre « Ciro Vive », retraçant la vie du jeune homme, ce mercredi. « J’ai été décrite comme une personne ignoble qui cherche à spéculer sur ce qu’il s’est passé. Certaines accusations sont absurdes et m’ont fait très mal », répondait-elle à La Repubblica.
D’autres victimes de drames ne savent que trop bien à quel point la médiatisation est indispensable pour ne pas oublier. A fortiori dans le football, suivez mon regard. Et tant pis si l’image d’Antonella Leardi en prend un coup. La sincérité de son message ne peut être mise en doute au moins sur un point : d’amour, on ne meurt pas.