Pendant que le club de rugby de Toulon règne sur l’Europe, le club de foot est à l’agonie. Et ce, depuis des années. Au point d’en oublier que le Sporting Toulon a fait vibrer toute une ville lors de savoureux derbies avec niçois et marseillais. Aujourd’hui en DH, des supporters se mobilisent au travers du « Mouvement Azur et Or ». Une initiative qui pourrait se multiplier. Son fondateur, qui souhaite se faire appeler Anton, a répondu à nos questions.
Concrètement, en quoi consiste ce « Mouvement Azur et Or ? »
Anton : Concrètement, le « Mouvement Azur et Or » n’est pas une association de supporters, ni une association de supporters « ultras », mais un collectif qui consiste à regrouper le plus grand nombre possible de passionnés afin de soutenir nos idées au sujet de notre club, le Sporting Toulon. Elles s’articulent autour de 3 axes : projet sportif cohérent, comptabilité transparente, politique tournée vers le stade et les supporters. Valeurs qui font le football que nous aimons. Nous n’avons pas vocation à être dans le stade en tant qu’asso, mais plutôt à titre individuel. Nos adhérents sont donc libres d’adopter la façon de supporter qu’ils souhaitent. En revanche, à l’extérieur, le but est d’être ensemble, de communiquer autour du club, de le soutenir et de le défendre, de se remettre à parler « football », d’organiser des évènements, de saisir ce qu’il y a à saisir quand il le faut et ainsi, de sauvegarder l’objectif social et le patrimoine historique du club. On essaye d’être en retrait, si possible d’entretenir de bonnes relations avec les différents groupes et associations que l’on considère en « 1ère ligne », au stade, afin de créer une unité capable de peser quand il le faudra. L’idée générale, c’est de considérer un club pour ce qu’il est, c’est-à-dire une entité culturelle à part entière de la ville, comme peuvent l’être les musées ou les salles de concerts. Le Sporting Toulon a une histoire très particulière, scandaleuse au sens premier du terme, surtout ces dernières années. Mais c’est un club avec un très beau potentiel, en termes sportifs, en termes de supportariat populaire et je considère personnellement qu’une grosse partie de cette culture était à deux doigts de disparaître cet été. On ne peut pas accepter qu’à cause de politiques successives menées par des gens qui s’en sortent les fesses propres, une soixantaine d’années de passion disparaissent. Ça nous a forcés à nous bouger.
N’existe-t-il pas des groupes de pression suffisants à Toulon (ultras, socios) ?
Anton : Si, bien entendu. Mais il n’y en a généralement jamais assez. Plus précisément, le grand avantage du « Mouvement » c’est qu’on ne demande absolument rien au club, nous ne voulons rien du club et assumons notre totale indépendance, ce qui nous donne une grande liberté d’action et de ton quand les groupes sont parfois un peu limités par rapport à leurs besoins naturels (emplacements, relations avec le club) vis-à-vis des dirigeants. Cette liberté, à nous de l’employer à bon escient. Il ne faut pas se tromper, on souhaite le meilleur pour le club : dans l’absolu on est là pour le Sporting, si tout va bien on sera les premiers à applaudir des deux mains. À nous d’être pertinents.
Comment les gens ont-ils accueilli cette initiative ?
Anton : Plutôt bien. On essaye pas mal de communiquer autour donc, et on veut aller chercher le supporter, quel que soit son profil. L’idée est très simple, c’est d’adhérer pour être à nos côtés, pour peser. C’est non contraignant et je pense qu’on défend des valeurs qui devraient être la norme dans tous les clubs de football. Alors on oscille entre un franc enthousiasme au mieux et un peu de scepticisme au pire. En termes de chiffres on en est à une centaine de cartés et pas mal de gens qui nous suivent sur la page du « Mouvement » après deux mois d’existence. C’est bien, surtout pour un club de 6e division.
On avait déjà eu dans un plus gros club « À la nantaise », c’est un phénomène voué à se répandre dans les tribunes françaises selon toi ?
Anton : « À la nantaise » a été la 1ère association à emmener cette notion de supportariat populaire et à travailler concrètement et sérieusement autour en France. Si c’est un phénomène voué à se développer… Disons que pour le moment, il me semble que ça ne fait absolument pas partie de la mentalité française. Mais l’idée même de donner plus d’importance aux supporters vis-à-vis de leur club afin qu’il ne perde pas son « objectif social » (réunir des gens, les faire vibrer, créer de l’histoire) est une idée passionnante. Alors oui c’est peut-être difficile parce qu’il y a un gros travail de communication à faire, mais si plusieurs collectifs issus de différents clubs en France s’y mettent, ce genre de mouvement pourrait bien s’enraciner et nous faire ressembler un peu plus à un pays de football.
« L’objectif, c’est vraiment d’implanter cette notion de démocratie, de supportariat collectif, afin de protéger nos clubs des dérives actuelles »
Est-ce que finalement ce n’est pas symbolique, en France en général, de supporters qui veulent s’engager sans pour autant intégrer le mouvement ultra ?
Anton : Symbolique, non, je ne pense pas. Il y aura toujours des ultras, la mentalité est spécifique, leur « travail » est différent. Comme je le disais, nous essayons de regrouper autour d’une idée large sans souci d’appartenance à une façon de « supporter », donc des « ultras » sont présents dans nos rangs, ce n’est pas un mouvement fait pour les supporters qui ne se retrouvent pas là-dedans. Maintenant, effectivement, c’est vrai que ça permet à des passionnés de s’engager dans quelque chose de différent.
Tu as précisé être en contact avec cette association sur la page Facebook du MAO, qu’en est-il exactement ?
Anton : Depuis des années, en Angleterre notamment, des groupes de supporters travaillent autour de cette idée fondamentale : comment réduire la distance entre les clubs et leurs supporters après le passage à la toute jeune Premier League de l’époque qui a été lourd de conséquences au niveau du supportariat là-bas. Pour faire court, le fruit de cette réflexion et de ce travail a donné naissance quasiment 15 ans plus tard à une association organisée, indépendante, sponsorisée par l’Union européenne, spécialisée dans l’aide aux supporters : Supporters Direct. Cette organisation travaille désormais dans plus de 20 pays d’Europe et a permis de nombreuses reprises de clubs par des « trusts » de supporters et de de nombreuses avancées dans le domaine du supportariat populaire. En France, ils ne travaillent qu’avec une seule initiative : « À la nantaise ». Nous sommes pour le moment simplement en contact avec eux et on fera tout pour obtenir leur soutien, qui est extrêmement important à nos yeux. Concrètement nous nous organisons autour d’échanges de mails, de conseils. Pas plus tard que ce week-end, nous les avons rencontrés sur Toulon, ainsi qu’un représentant « d’ À la nantaise », autour d’un barbecue afin d’apprendre à nous connaître, profiter de leur expérience en la matière en organisant une vraie réunion de travail. Réunion nationale, dont une première partie avait eu lieu sur Paris la veille, avec les gens de Rouen et Nancy, où des mouvements similaires tentent d’émerger. L’objectif, c’est vraiment d’implanter cette notion de démocratie, de supportariat collectif, afin de protéger nos clubs des dérives actuelles. Pour un PSG ou un Monaco, combien de clubs lessivés par une gestion catastrophique ou des dirigeants d’un même profil qui mettent 3 ronds et se rendent compte – in fine – que leur incompétence dans le football ne leur permet aucun retour sur investissement ? Si personne ne s’organise, ces gens-là ont simplement les mains libres. À Toulon, on sait de quoi on parle à ce sujet.
Ce sera donc la première saison pour vous, quelles sont les actions prévues ?
Anton : Pour l’instant s’organiser un maximum, s’enraciner, rencontrer les passionnés, leur expliquer notre projet, les valeurs que nous défendons, répondre aux standards de Supporters Direct. On va essayer de communiquer dans le bon sens, d’engager un dialogue avec tous les acteurs de la vie du club. On a d’autres projets pour le moyen et le long terme. Mais pour le moment, les bases sont notre priorité, et elles sont extrêmement importantes.
Propos recueillis par Adrien Verrecchia