Il fallait voir dans quel état était la Serie B, il y a quelques années. En retard sur la Ligue 2, c’est dire. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Si beaucoup de choses restent à améliorer, force est de constater que le championnat devient de plus en plus attractif et ce, en partie grâce à son homme fort.
La révolution porte un nom. Andrea Abodi. Le terme n’est pas démesuré pour désigner le travail conséquent du président de la Serie B. En place depuis 2010, il est élu à la tête d’un championnat qui fait peine à voir. Surtout, que personne n’a envie de voir. Le niveau est faible. Les rares clubs de l’élite à recruter en deuxième division étant les protagonistes de la lutte contre la relégation. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles beaucoup de joueurs italiens se sont révélés tardivement par le passé. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. En témoignent les cas Verratti (PSG), ou dernièrement Zaza (Juve, prêté à Sassuolo) et Saponara (AC Milan) et tant d’autres. L’essentiel de la Nazionale U21 finaliste face à l’Espagne du dernier Euro provient d’ailleurs de ce réservoir devenu intéressant. La compétitivité de la Serie B n’a désormais plus rien à envier aux voisins européens. De fait, seuls 3 promus en Serie A sur 9 (Brescia, Novara et Pescara après un véritable exode) sont redescendus directement à l’échelon inférieur sur les trois dernières saisons. Les mauvaises langues rétorqueront que c’est surtout dû à un nivellement par le bas de l’élite. À tel point que les relégués éprouvent des difficultés à remonter l’année suivante, vraiment ?
Un businessman à la tête de la vétuste Serie B
Evidemment, le boss de la Serie B ne peut influer directement sur la valeur sportive de son championnat et le mérite revient aux éducateurs, clubs etc. Impossible pourtant de dissocier la compétitivité du travail mené par Abodi. Il s’est battu contre vents et marées pour imposer ses fameux play off pour l’accession en Serie A. Et c’est peu dire que ce système ne faisait pas l’unanimité au sein du conservateur foot italien. Il faut toutefois reconnaître que le spectacle en sort gagnant, l’attrait pour le championnat aussi. Imaginez donc la vague provoquée, lorsqu’un jour avant la reprise, il annonce officiellement que ces plays off sont à paramètres variables. Désormais toute équipe jusqu’à la 8e place, à moins de 15 points du 3e, est également qualifiée pour les barrages. Sauf si le 3e est à 10 points du 4e, dans ce cas il monte directement. Prochain objectif : passer de 22 à 20 équipes en 2015 pour alléger un calendrier surchargé (46 journées en comptant les phases finales). Nul doute qu’il y parviendra. Qui sait par contre ce qu’il en sera de son envie d’un championnat « style sud-américain » en deux parties (donc deux champions) pour favoriser encore plus le spectacle.
Autre point important, il convient de rappeler la situation financière plus que limite des équipes en Italie. La Serie B n’échappe pas à la règle. Andrea Abodi a donc imposé un salary cap. Une mesure choc qui a fait le tour de la planète football à l’heure de l’entrée en vigueur du fair play financier. Le plafond est fixé à 150 000 euros de masse salariale et le même montant de primes par saison, excepté si le budget salaire ne dépasse pas 60 % de la valeur productive du club. La quantité des effectifs est également contrôlée. Mais le président ne se limite pas à la gestion de bon père de famille. C’est un spécialiste du marketing sportif. Le sponsoring, quasiment inexistant a été fortement développé. Bwin, le précédent partenaire a laissé place à RCS Sport (l’équivalent transalpin d’ASO) pour les quatre prochaines saisons.
Le patron dont le Calcio a besoin
Si les play off sont contestés, l’homme fait l’unanimité. Pour preuve, lors de sa réélection en janvier dernier, Abodi a recueilli un score digne d’un dictateur : 22 voix sur 22 possibles. Emiliano Mondonico, l’ancien entraîneur de Novara avait même déclaré : « Il a le même impact sur la Serie B que lorsque la Juve y était : un événement extraordinaire ». À noter que le Romain a brièvement démissionné pour briguer le même mandat au sein de la Serie A. Un échec et un score moins flatteur de 6/20 avec néanmoins quelques soutiens de poids (Inter, Juve, Naples). La peur du changement sans doute, même si le réformiste avait confié qu’il lui était impossible d’apporter de telles évolutions à l’élite (en raison de la non-uniformisation des règles au niveau européen). « Le vent de nouveauté, de part sa culture entrepreneuriale », dixit Gigi Di Canio, ne soufflera donc pas (encore) sur la Serie A.
Si Andrea Abodi est conscient des réalités économiques du football business, il est aussi apprécié des tifosi partisans d’un foot populaire. Il est le premier dirigeant à remettre ouvertement en cause la tessera del tifoso. « Je tiens à contester l’utilité de la tessera del tifoso, les limites technologiques en matière d’autorisation en temps réel, le droit d’accès au stade d’une personne, l’obligation du document pour un enfant, l’interdiction – un autre exemple représentatif -. d’entrer avec un parapluie dans les stades souvent non couverts » écrivait-il dans les colonnes de La Gazzetta Dello Sport. Toujours dans son billet, il fustige « la difficulté insupportable, frustrante et décourageante de l’achat d’un billet pour entrer dans une phase dans laquelle, une fois accomplie, on ne fait certainement pas régner confort et services suprêmes au stade ». S’attaquer aux stades que les Italiens ont (avaient) déserté, une affaire qui n’est toujours pas réglée même à l’étage supérieur. L’un des maux du Calcio que le brillant Andrea ne pourra, hélas, pas résoudre seul.
Moins de bureaucratie, plus de concret. La méthode Abodi séduit en dépit de certaines idées qui suscitent le débat. Il a le mérite de faire bouger les choses, souvent dans le bon sens. Aux 14 autres présidents de Serie A de le comprendre.