Ce vendredi soir, le Hambourg SV reçoit le Werder Brême pour le compte de la 31e journée de Bundesliga. Une rencontre entre deux équipes mythiques qui ont perdu de leur superbe et traînent leur spleen sur les terrains allemands. Mais au-delà d’une rencontre cruciale contre la relégation, ce match est avant tout le NordDerby. L’une des rivalités les plus exacerbées d’Allemagne, qui puise sa source dans l’histoire et le Moyen-Âge. Un antagonisme qui a atteint son paroxysme au printemps 2009 lorsque les deux équipes se sont affrontées quatre fois en l’espace de 19 jours, avec à la clé une finale de Coupe d’Allemagne et de Coupe UEFA.
« Hambourg champion d’Allemagne et nous, vainqueurs de la Coupe d’Allemagne et de la Coupe de l’UEFA, cela serait une bonne solution ». Cette proposition, c’est celle de Clemens Fritz, joueur emblématique du Werder Brême. Au moment d’affronter à quatre reprises l’ennemi juré du HSV, le milieu werderaner était prêt à faire quelques concessions et offrir un titre au rival. Bon, il faut dire qu’à cet instant Brême était englué en milieu de tableau et n’avait plus aucune chance de remporter le championnat. Autant l’offrir au rival et lui chiper deux autres titres non ? Mais au terme des quatre matchs façon playoff de NBA, il n’en sera rien.
Un ticket pour l’Olympiastadion de Berlin
Le premier opus de cette symphonie se déroule le 22 avril du côté d’Hambourg et de la HSH Nordbank Arena. À la clé, une place en finale de Coupe d’Allemagne, compétition qui a déjà réussi aux deux formations par le passé : cinq victoires pour le HSV, trois pour le Werder.
Devant plus de 55 000 spectateurs, ce premier NordDerby tient toutes ses promesses. Le Werder domine la première période et Mertesacker ouvre logiquement le score sur un coup-franc de Diego. Diego, vous vous souvenez ? Ce putain de joueur qui a éclaboussé les bords de la Weser (fleuve allemand qui traverse la ville de Brême) de sa classe pendant trois ans avant de s’enterrer à la Juve puis à l’Atlético. Un sacré gâchis. Bref, sous les yeux d’un public nourri par la haine de l’adversaire , le HSV sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur. Les hommes de Martin Jol réagissent en seconde mi-temps et parviennent à revenir au score grâce à Ivica Olic. Il faut dire que l’attaquant croate avait des comptes à régler avec Tim Wiese, gardien du Werder. La saison dernière, Wiese avait perdu la boule et foutu un vrai high-kick à Olic après un sortie kamikaze. On restera à 1-1, coup de sifflet final. 30 minutes supplémentaires.
Mais après 90 minutes tendues, les choses vont se gâter lors de la prolongation. Özil mène un contre bremois et se fait découper par Jarolim. Le banc du Werder se chauffe et Knut Kirchner renvoie le capitaine du HSV aux vestiaires. C’est sévère. L’arbitre s’est sûrement fait monter le bourrichon par la réaction des joueurs du Werder. Il faut dire que Jarolim ne s’était pas fait que des amis du côté de la Weser en démontant Diego quelques jours avant la rencontre : « Diego est une diva. À Hambourg, la star c’est l’équipe ». L’équipe d’Hambourg a beau être une star, elle devra terminer ce match à dix contre onze.
Malgré cette supériorité numérique, les hommes de Thomas Schaaf ne prennent pas l’avantage et le billet pour Berlin va se jouer à la magnifique loterie des tirs au but. À ce petit jeu, le gardien du Werder Tim Wiese va déployer toute sa grâce pour devenir le héros de la rencontre. Il détourne les frappes de Boateng, Olic et Jansen. Un comble pour un mec aujourd’hui à la retraite et sûrement incapable de réaliser un plongeon. L’ancien gardien du Werder a trouvé sa nouvelle passion et passe son temps à soulever la fonte et exhiber ses biscottos surprotégés à la salle de muscu’ et s’est même lancé dans le catch.
En difficulté en championnat (10e), le Werder peut remercier son gardien. Wiese évite à ses potes une fin de saison morose et en bonus offre un joli voyage collectif à l’Olympiastadion de Berlin à l’ensemble du peuple vert et blanc. De son côté, la grosse saison d’Hambourg est freinée dans son élan. Encore en lice il y a trois heures pour réaliser un triplé historique Coupe-championnat-UEFA, les Rothosen se sont fait couper l’herbe sous le pied, qui plus est par leur rival historique et devant leurs supporters. La honte, et ce n’est que le début….
La boulette du HSV
Une semaine plus tard, on prend les mêmes et on recommence. Seules l’arène et la scène ont changé. La HSH Nordbank Arena a laissé place au Weserstadion de Brême et la scène européenne a substitué la scène allemande. Pour cette demi-finale de Coupe UEFA, le Werder accueille un HSV qui ne sait plus sur quel pied danser. D’un côté, la sinistrose s’est installée avec l’élimination en demi-finale de Coupe d’Allemagne, conjuguée à la blessure du meilleur buteur de l’équipe, Mladen Petric. De l’autre, le HSV apparaît revanchard et déterminé pour ramener une Coupe européenne qui échappe au club depuis 1982. D’autant plus que cette année, la finale de la compétition se déroule à…. Hambourg !
Du côté du Werder, ce double affrontement est le moyen parfait de sauver la saison. Malgré des résultats mitigés en Bundesliga et une 10e place, une qualification en Europa Ligue la saison prochaine sauverait les apparences. Une dixième place indigne du niveau du Werder ? Pour ceux qui regardent la Buli cette année et voient Brême galérer pour sauver sa peau dans l’élite, il faut apporter quelques précisions. Dans les années 2000, le Werder est simplement l’une des meilleures équipes d’Allemagne. Ça joue bien et ça fout des pions dans tous les sens. Il faut dire que l’effectif a de la gueule : Diego, Pizarro, Özil, Mertesacker ou encore Naldo. Des gaillards qui aujourd’hui sont des habitués de la Ligue des champions.
On va être honnête, cette demi-finale aller de Coupe UEFA n’est pas le match le plus bandant de cette quadrilogie. On va juste retenir la revanche du HSV, qui remporte le match sur la pelouse du Werder et prend une bonne option sur la qualification. Tout cela grâce à un but de Trochowski avant la demi-heure de jeu (0-1). Le summum de ces trois semaines de NordDerby va intervenir une semaine plus tard, le 7 mai. Une soirée européenne comme on les aime, avec un mélange de buts, suspense et de polémique.
En conférence de presse, malgré la victoire à l’aller, les joueurs d’Hambourg se la jouent bons professionnels. Concentrés, à l’image du défenseur Marcell Jansen. « Nous avons bossé dur toute la saison et nous voulons maintenant être récompensés pour tous les efforts que nous avons fournis ». Un état d’esprit qui contraste avec la confiance des ouailles de Thomas Schaaf, persuadés qu’ils vont punir une nouvelle fois leur ennemi. « Récemment, nous avons toujours été présents pour contrecarrer les plans du HSV », déclare le sauveur du match de Coupe d’Allemagne Tim Wiese. La légende werderaner Claudio Pizarro est encore plus confiante : « C’est un avantage pour moi de jouer contre eux pour la troisième fois en si peu de temps. Je connais maintenant très bien leurs défenseurs et je suis sûr que je vais marquer. Nous allons gagner ». Et le Péruvien voit juste.
Pourtant, dès la 12e minute de jeu, Ivica Olic ouvre le score et croit envoyer son équipe en finale. Un but qui va réveiller le Werder de sa sieste. Diego égalise à la demi-heure de jeu. Plus qu’un but et le SVW est qualifié. Après la pause, les hommes de Thomas Schaaf enfoncent le clou. Le bon vieux Claudio accomplit sa prophétie et offre la qualification à son équipe. Il manquait une pointe de magie pour que cette rencontre entre définitivement dans la légende du football allemand. Ne vous inquiétez pas, elle va arriver à la 82e minute.
Alors qu’il s’apprête à passer la balle à son gardien Rost, le Danois Michael Gravgaard est gêné par une boulette en papier jetée sur le terrain par des supporters. Le projectile contrarie la transmission de balle et la chique finit sa course en corner… Rien de bien méchant vous me direz. Sauf que sur le corner, Franck Baumann place un coup de casque et marque le troisième but du Werder. La guigne… surtout lorsque l’on sait qu’Ivica Olic marquera le second pion d’Hambourg dans les minutes qui suivent et que le projectile a été lancé par un fan du… HSV !
2-3, le Werder a renversé la situation et se qualifie pour la finale de la Coupe UEFA. Autant dire que pour le HSV la pilule a du mal à passer. Se faire taper deux fois de suite, sous les yeux de son public et de sa famille, par son ennemi juré, en demi-finale, et à cause d’une boulette en papier. Difficile de faire pire niveau scénario. « Une malchance pareille, ce n‘est pas possible. J’étais complètement concentré sur le ballon et tout à coup, il est parti n’importe où », expliquera après le match un Gravgaard au bout du rouleau. Il y a deux semaines, le HSV pouvait rêver à un triplé historique. Ce 7 mai 2009, il ne reste aux Rothosen que leurs yeux pour pleurer.
Du côté du Werder, c’est le kiffe ultime et on ne se refuse rien. Après le match, la chaîne de télévision qui retransmettait le match va jusqu’à offrir la fameuse boulette de papier, à Klaus Allofs. Heureux comme tout, le directeur sportif du Werder accepte l’offrande. « Je la prends. La boulette ira au musée du Werder Brême, où elle se verra attribuer une place spéciale ».
Le coup de grâce
On imagine un peu l’état d’esprit dans lequel devaient se trouver les fans du HSV après ces trois rencontres. Deux chances de titre qui s’envolent, pour une équipe qui n’a plus rien gagné depuis la fin des années 1980 – si on excepte une Coupe de la Ligue et deux Coupes Intertoto – face à l’ennemi juré, c’est la soupe à la grimace. Et pourtant, le HSV n’en a pas terminé avec Brême.
Trois jours plus tard, 31e journée de Bundesliga. Dernier rendez-vous entre Hambourgeois et Brêmois. Après les désillusions des dernières semaines, le coeur n’y est plus du côté des Rothosen. Les hommes de Thomas Schaaf ne se privent pas et martyrisent Hambourg pour la quatrième fois en deux semaines. L’attaquant Portuguais Hugo Almeida inscrit un doublé et le Werder anéantit définitivement tous les espoirs du HSV de remporter un titre cette saison.
Il y a 19 jours, Hambourg était troisième de Bundesliga – à trois points de leader Wolfsburg -, qualifié pour la demi-finale de Coupe d’Allemagne et de Coupe UEFA, et pouvait à juste titre nourrir de grandes ambitions pour la fin de saison. Le dimanche 10 mai 2009, le HSV est éliminé de ces deux compétitions et sixième du championnat. Les espoirs de titres se sont envolés. Le Werder Brême l’a emporté sur les trois champs de batailles. D’une saison ratée, les hommes de Thomas Schaaf s’offrent une double opportunité de soulever un trophée important, et par la même occasion de se qualifier directement pour la Coupe UEFA la saison prochaine. Un sacré retournement de situation quand on se rappelle le bilan des deux équipes il y a une vingtaine de jours. Pour l’anecdote, Brême remportera la Coupe d’Allemagne face au Bayer Leverkusen mais s’inclinera en Coupe UEFA face au Chaktior Dontesk.
Interrogé par le quotidien allemand Bild il y a deux ans, le sentiment de l’entraineur du HSV Martin Jol traduit parfaitement la façon dont a été vécue cette quadruple confrontation du côté d’Hambourg : « Aujourd’hui encore, je pense à ces matchs contre Brême. Je suis toujours triste. Je me souviendrais de cela toute ma vie ». L’histoire de la boulette de papier qui a gêné le défenseur du HSV Gravgaard est devenue le symbole d’un traumatisme encore palpable. « Je rêve encore de cette boulette de papier qui a gêné Gravgaard et qui a offert le corner qui a amené le but au Werder Brême. Ce but a définitivement qualifié notre adversaire et nous a éliminé », confiait Jol. Au-delà de la suprématie du Nord, vendredi soir, le NordDerby aura un enjeu tout autre : sauver sa peau dans l’élite. La seule chose que nous pouvons conseiller aux joueurs d’Hambourg et du Werder, c’est de faire attention à ne pas commettre de boulette.