Les polémiques initiées à propos des banderoles sur l’accident de Superga exposées lors du derby turinois semblent avoir des suites positives. Mais ne doutez pas, faux semblants et mesquines hypocrisies sont toujours bien présents.
Finalement, il suffisait peut-être d’un peu de bonne volonté. Simplement de volonté.
Évidemment, nous étions légion à nous demander comment il était possible de nos jours, avec les billets nominatifs, la tessera del tifoso, les caméras, les films amateurs, de parvenir à ne pas identifier les quelques bas du front qui persistent à croire que les stades sont des lieux où ils ont toute licence pour cracher les tombereaux d’insultes et la haine qui leur tient lieu de pensée.
Apparemment, lorsqu’on cherche, lorsqu’on cherche vraiment, on trouve.
Il aura suffi de deux jours, à peine quarante huit heures pour retrouver le tifoso florentin auteur de l’affiche (voir photo). Fabuleuse efficacité et en même temps irréfutable démonstration du fait que jusqu’à maintenant on ne cherchait pas beaucoup. Parce qu’enfin, si « on » a pu retrouver en deux jours le magnifique spécimen qui a scotché une affiche avant de se planquer au milieu des autres supporters, « on » aurait d’autant mieux pu retrouver ceux qui chaque semaine, dans l’un ou l’autre des stades de la Botte chantent pour souhaiter l’incendie d’une ville, implorent un volcan, se réjouissent de morts ou d’accidents, insultent, frappent ou plus simplement exposent dessins et écrits pour moquer un suicide ou célébrer une tragédie.
Pour ceux qui l’ignorent, dans le Calcio, la justice hebdomadaire est rendue par le juge Gianpaolo Tosel. Rien ni personne n’échappe à son chant de compétences : tribunes, vestiaires, couloirs, terrain de jeu et banc de touche, joueurs, entraîneurs, spectateurs, stadiers et ramasseurs de balle, chants, pétards, insultes, fumigènes, banderoles, châtaignes et torgnoles, Tosel juge de tout.
C’est lui, par exemple, qui chaque semaine met la Roma à l’amende de quelques milliers d’euros parce que son entraîneur s’obstine à communiquer par « radio-récepteur » avec un observateur placé dans le public.
C’est lui aussi qui avait jugé que « merda » lancé par des gamins vaut 5.000 euros d’amende mais que le même mot ne mérite pas sanction lorsque des adultes le hurle dans tous les stades d’Italie, à chaque dégagement de gardien, c’est-à-dire quand même assez souvent le dimanche après midi… On n’ose imaginer à quel tarif le magistrat évaluerait l’incitation que le public français adresse de façon récurrente aux gardiens visiteurs d’adopter les mœurs prêtées aux philosophes grecs antiques.
On n’arrête plus la justice en marche.
Jusqu’à la semaine dernière pourtant, l’action du juge Tosel connaissait de sérieuses limites puisqu’il ne statuait que sur des faits portés à sa connaissance. Ainsi, une banderole appelant à brûler un adversaire ou des cris à connotation raciste n’étaient pas pris en compte parce que ne figurant pas sur le rapport de l’arbitre ou des délégués du match.
Eh bien fini tout ça, le juge Tosel entre dans une nouvelle dimension, confronté à des rumeurs de chants à connotation antisémite, entendus dans un virage du Juventus Stadium, mais non audibles sur les enregistrements télévisés a demandé des « investigations supplémentaires ».
Voilà donc qu’en l’espace de dix jours, le petit monde du Calcio entre de plain-pied dans le XXIème siècle. Enfin ! Les imbéciles étant en nombre limité, du moins ceux assez sérieusement atteints pour se réjouir d’un accident d’avion, il suffira que le juge Tosel applique ses nouvelles méthodes pendant quelques mois pour que les stades italiens redeviennent nettement plus paisibles.
Les hypocrites de la semaine.
Pendant que la justice footballistique fait sa révolution de l’autre côté des Alpes, certains comportements perdurent. Nous distinguerons deux hypocrites cette semaine, deux entrepreneurs habitués des leçons de moralisme qu’ils distribuent volontiers, avec hauteur et suffisance, dans le football et en dehors. On aura reconnu les Della Valle brothers, qui pas plus cette fois que les précédentes, n’ont eu un mot pour regretter que certains de leurs supporters se félicitent des morts du Heysel en textes et en chansons. On reconnaîtra une réelle constance dans l’ignominie à ces fins esprits qui continuent depuis presque trente ans à chanter « Amo Liverpool » (J’aime Liverpool) en référence au Heysel. Les supporters des Reds ont été du même avis. Voilà quelques années, ils ont refusé avec mépris et une certaine sécheresse la proposition de jumelage émanant de certains « tifosi » de la Viola.
Et les applaudissements vont à….
Pendant que certains se complaisent dans leur fange, d’autres préfèrent se distinguer différemment et il serait dommage de ne pas le souligner. Ce week-end, on a vu exposée dans la Curva nord de l’Inter une banderole portant ces mots : « Superga, Heysel… Rispetto per i morti!!! » (Superga, Heysel, respect pour les morts !)
Rien à ajouter.