Certes, la Super League Elláda ne fait pas vraiment rêver mais tous les amateurs de football n’attendent qu’une chose, la confrontation entre l’Olympiakos et le Panathinaikos. Une rivalité historique oppose les deux clubs athéniens depuis près de 90 ans. Retour sur l’un des derbies les plus chauds d’Europe avec des matchs épiques.
La capitale grecque est partagée footballistiquement en trois clubs : l’AEK Athènes, l’Olympiakos et le Panathinaikos. Mais c’est bien le « derby des éternels ennemis » qui déchaîne les passions. Dans une société hellénique où jouer au football est mal perçu, Giorgos Kalafatis fonde le Panathinaikos le 3 février 1908. Le club prend alors comme logo un trèfle blanc sur fond vert et devient l’équipe de la bourgeoisie athénienne. Après la Première Guerre mondiale, le traité de Lausanne signé en 1923 entraîne un redécoupage des frontières européennes. Le traité instaure notamment un échange de population entre la Grèce et la Turquie impliquant une arrivée importante de migrants de l’autre côté d’Athènes, au port du Pirée. Ainsi en 1925, les cinq frères Andrianopoulos décident de créer l’Olympiakos avec comme couleur le rouge de l’honneur et le blanc de la pureté. L’Olympiakos représente alors le club de la classe populaire : les travailleurs du port. Les premiers derbies sont donc marqués par le clivage social opposant la bourgeoisie d’Athènes contre les prolétaires. Le Pana remporte le premier championnat en 1930 en écrasant son rival sur le score de 8-2. La saison suivante, l’Olympiakos est sacré champion à son tour, la rivalité sportive peut alors commencer. En Grèce, le football se développe en parallèle des instabilités politiques qui touchent le pays. En 1946, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, une guerre civile éclate au pays de Platon. Un climat politique instable s’établit, un comble pour la nation ayant inventé la démocratie. L’armée prend le pouvoir le 21 avril 1967 et la dictature des Colonels est alors à la tête du pays. Le ballon rond, tout comme bon nombre de régimes totalitaires, est l’opium du peuple permettant de faire oublier aux citoyens la répression qui touche la société. Tout au long de la dictature, les frontières ne s’ouvrent que lorsque le Panathinaikos arrive à se hisser en finale de la Coupe des clubs champions face à l’Ajax Amsterdam de Cruyff en 1971. Le président de l’Olympiakos promet une prime aux joueurs s’ils parviennent à ramener la Coupe à Athènes. Malgré le soutien de milliers de supporters qui ont fait le déplacement jusqu’à Wembley, l’équipe s’incline 2-0. À leur retour en Grèce, les joueurs se voient sanctionnés d’une amende par le gouvernement. Il faut alors attendre la chute de la dictature en 1974 pour que le football devienne professionnel.
Entre violence et matchs historiques
Les supporters ont retranscrit leur rivalité à travers la violence durant de nombreuses années. Cependant, depuis 2008, les fans visiteurs sont interdits de déplacement afin d’endiguer les excès les jours de match. Les fidèles des deux équipes trouvent malgré tout de nouveaux moyens, parfois extrêmes, pour s’affronter. En effet, en octobre 2013, le local de la Gate 13 (principal groupe de supporter du Panathinaikos) est victime d’un attentat à la bombe. Les conclusions de l’enquête n’ont pas encore été rendues mais les principaux suspects sont à chercher du côté des partisans de l’Olympiakos. Mais qui a dit que la violence ne se limitait qu’aux supporters ? En 2002, après un penalty sifflé en faveur des Rouge et Blanc, les joueurs, le staff mais également le président du Pana envahissent le terrain pour frapper l’arbitre sur le terrain. Pour certains, cet acte montre la bêtise des dirigeants mais pour d’autres la ferveur : on ne peut pas perdre un derby, c’est une question d’honneur. Un an plus tard, en mai 2003 le stade Karaiskakis étant en travaux pour les Jeux Olympiques, le derby se déroule alors dans le vétuste stade Georgios-Kamaras. Les deux équipes jouent le titre et la pression est telle que la presse appelle désormais ce match « l’enfer de Kamaras ». Le service de sécurité est débordé et l’équipe du Pana se retrouve menacée dans son vestiaire par des fans locaux. L’ambiance hostile monte d’un cran au début de la rencontre jusqu’au moment où une scène improbable se déroule : les supporters pointent des armes sur les joueurs adverses. Finalement, l’Olympiakos remporte le match 3-0 et sera sacré la journée suivante face à Xanthi. En 2011, le Panathinaikos de Djibril Cissé se déplace au Karaiskakis pour un match désormais rentré dans la légende. En effet, à la 81eme minute, le Pana marque un but injustement refusé pour une position de hors-jeu. Mais l’histoire est cruelle et l’Olympiakos marque dans le temps additionnel le but de la victoire… qui est alors hors-jeu. A la fin de la saison, le Thrylos remporte le championnat avec treize points d’avance sur le Panathinaikos. Écœuré de l’arbitrage et du racisme dont il est victime, Djibril Cissé décide alors de quitter la Grèce après deux saisons en tant que meilleur buteur de la Super League.
Un derby en période de crise
Depuis 2010, la Grèce est au cœur d’une crise économique entraînant des troubles sociaux qui ont fait le tour du monde. Le football passe alors au second plan, acheter un billet devient superflu. Les supporters désertent les stades mais un derby n’est pas un jour comme un autre, l’antre du Karaiskakis sera comble et la rivalité plus présente que jamais. Le football est également touché par la crise, les clubs ont du mal à payer les joueurs, les stades sont loin d’être à guichets fermés. De plus, le championnat perd ses stars et a du mal à garder ses pépites. Encore un exemple plus ou moins récent, le départ du buteur de l’Olympiakos, Mitroglou à Fulham pour quinze millions d’euros. En difficulté financière, la direction du Pana a échappé de peu à la faillite et décidé de quitter le stade Olympique pour retourner dans leur entre historique, Apóstolos-Nikolaïdis. Sans parler du voisin, l’AEK Athènes, qui a été rétrogradé en troisième division à la suite de trous de trésorerie récurrents.
Le « derby des éternels ennemis » ne se limite pas au football. Les deux clubs étant omnisports, les matchs sont aussi tendus qu’il s’agisse de basket, de volley-ball ou de water-polo. Irréconciliables.