C’est l’un des derbies voire le derby le plus chaud d’Italie, dans tous les sens du terme. Depuis plus de 70 ans, la Roma et la Lazio se disputent la suprématie de la ville. Focus dans ce nouvel épisode de « Ils se détestent » sur deux clubs que tout oppose et qui se retrouveront dimanche à 15 heures.
En Italie et à Rome encore plus, le football est plus qu’un sport. C’est un mode de vie, une religion vous diront certains. Alors forcément, quand deux clubs aussi éloignés si bien culturellement, sportivement ou encore politiquement cohabitent ensemble, les rivalités s’accroissent jusqu’à faire de Rome une ville coupée en deux.
Pourtant, cette scission aurait pu ne pas exister. Nous sommes en 1920. Pour contrer la puissance des riches clubs du Nord, plusieurs clubs romains décident de fusionner pour se regrouper en un seul, qui serait ainsi plus à même de rivaliser. Les clubs de l’Alba Audace, le Roman et le Fortitudo se regroupent pour donner naissance à l’Associazione Sportiva Roma. La Lazio, créée en 1900, et potentiellement concernée par cette fusion refuse d’en être. Rien ne sera plus pareil.
La Lazio « prima squadra della capitale »
Fondée en 1900 par 9 jeunes romains, la Lazio choisit le bleu ciel et le blanc comme couleurs, en l’honneur de la Grèce, berceau des Jeux Olympiques. L’aigle, qui apparaît sur le logo du maillot en devient très vite le symbole, jusqu’à, aujourd’hui, où un aigle revêtu de bleu ciel et blanc survole l’Olimpico avant et après les matchs des Biancocelesti.
Les laziali se vantent d’être « la prima squadra della capitale » car leur club a vu le jour bien avant la Roma et s’appuient aussi sur un document daté de 1927, année de la naissance de la Roma, qui fait état de la Lazio comme le seul club à même de représenter les couleurs de la capitale.
Les supporters de la Lazio se situent principalement dans la périphérie de Rome, chef-lieu de la région… Lazio. Ce qui fait dire aux Romanisti « La Lazio è solo geografia » (la Lazio c’est seulement de la géographie).
Même s’il est risqué et faux de ranger tous les supporters dans une même catégorie, les Laziali sont étiquetés à droite voire à l’extrême droite dans l’échiquier politique italien et représentent la haute élite romaine.
Côté sportif, la Lazio a connu plusieurs périodes fastes, notamment au début des années 2000 sous la présidence de Cragnotti, mais aussi des périodes beaucoup moins délicates comme ces 11 ans passés en Serie B ou encore la faillite qui la guettait en 2004 malgré deux augmentations de capital largement souscrites par les fans. Finalement, l’entrepreneur romain et toujours à la tête de la Lazio aujourd’hui, Claudio Lotito sauvera le club de la disparition.
Les Biancocelesti comptent à leur palmarès deux scudetti en 1974 et 2000, 6 coupes d’Italie dont la dernière en mai dernier contre la Roma dans un derby historique, 3 Supercoupes d’Italie mais aussi une Coupe des Coupes remportée contre Manchester United.
La Roma, club du peuple
La Roma, fruit de la fusion entre quatre clubs romains (l’Alba Audace, Fortitudo, Pro Roma, Roman F.C) revendique fièrement le fait d’être LE club des Romains. Et il est vrai que dans le centre de Rome, les tifosi de la Roma sont plus légion que ceux de la Lazio. Ce qui fait dire aux Romanisti que la Lazio (nom de la région de Rome, le Latium) n’est pas un club romain, mais de la région du Latium, donc.
Dans la cité éternelle, il y a 4 supporters de la Roma pour seulement un de la Lazio. Nesta, ancien joueur du Milan et de la Lazio et ancien tifoso du club biancoceleste avouait même dans une très belle interview accordée au magazine So Foot l’année dernière : « Dans ma barre d’immeuble, nous étions énormément de familles modestes. Tous étaient de la Roma, sauf la mienne. Forcément, dans ces conditions-là, on devient encore plus supporters ».
Les tifosi de la Roma sont très expansifs et aiment se promener dans les rues de Rome un maillot sur le dos ou encore d’installer des drapeaux de « la magica » comme ils l’appellent, sur leurs terrasses.
Dans la Ville éternelle, la pression autour de l’AS Roma est forte et constante. Quatre radios parlent 24h/24 et 7jours/7 uniquement de la Roma. Rien que ça. Forcément, dans ces conditions-là, difficile de travailler dans la sérénité et de mettre en place un projet sur le long terme tant le besoin du résultat est obsessionnel et vital. Ainsi, Ranieri évoquait dans l’Equipe le week-end dernier la pression qu’il a eue à subir dans toute sa carrière : « L’AS Rome, c’est le club où je me suis vraiment senti sous pression. C’est là-bas que j’ai grandi, c’est ma ville. Les supporters sont passionnés. Rien n’est plus dur que la Roma et l’Italie ».
Les tifosi romanisti sont réputés dans le monde entier pour décorer magnifiquement bien « leur » Curva Sud et pour leur hymne « Roma, Roma, Roma ». Ce sont, au même titre que ceux de la Lazio, des supporters attachés à leurs couleurs et fidèles à leur club mais aussi contestataires quand un choix du club ne leur convient pas.
La Roma est réputée depuis toujours pour cette image de club élégant, dont les équipes prônent un beau football mais cultive quand même la « culture de la lose » à l’image de cette finale de C1 perdue à domicile aux tirs au but contre Liverpool en 1984.
Mais la Louve reste l’un des plus beaux palmarès du football italien avec 3 scudetti, 9 Coupes d’Italie, 2 Supercoupes et une Coupe des villes des foires.
Roma-Lazio, un spectacle aussi dans les tribunes
Au cours d’un derby romain, outre le spectacle sur le terrain, l’autre match entre les deux clubs se déroule dans les tribunes. À l’aide de magnifiques tifos, de fumigènes, de bombes agricoles ou de grandes banderoles, tous les moyens sont bons pour chauffer l’ambiance et montrer au camp d’en face sa supériorité. Si la Curva Nord de la Lazio est l’une des curve les plus reconnues en Italie voire en Europe pour ses gigantesques et sublimes tifos, la Curva Sud, repère des tifosi de la Roma, est parsemée d’immenses drapeaux accompagnés parfois de fumigènes pour rendre l’atmosphère sublime.
Plus que ces animations d’avant-match pour rentrer dans la partie et commencer à chauffer l’ambiance en brandissant haut ses couleurs, le derby est l’occasion, pour les tifosi de confectionner des banderoles dont le but n’est pas vraiment de valoriser son club mais plutôt de dévaloriser l’ennemi. Ainsi, des banderoles plus grandes les unes que les autres sont déployées en tribunes, le plus souvent avant le coup d’envoi. Ça peut aller de la simple raillerie à des insultes plus condamnables, même si, de ce côté-là, cela reste assez bon enfant.
Les ultras des deux équipes sont réputés pour leur très vif attachement à leur club, parfois trop, provoquant durant les derbys des comportements assez virulents, souvent excessifs.
Malheureusement, on ne compte plus les débordements et aussi les morts aux abords du stade avant le match. En 1979, à la suite d’une blessure à un œil provoquée par un objet lancé par un supporter de la Roma, un supporter de la Lazio meurt. Le 21 mars 2004 à la suite d’une rumeur évoquant la mort d’un supporter, des émeutes éclatent dans l’Olimpico provoquant l’interruption du match. Après d’énièmes incidents survenus lors du derby aller, la saison dernière, la préfecture de Rome a décidé ne plus faire jouer les deux rivaux le soir, mais l’après-midi, moins dangereux pour l’ordre public. Et le préfet a prévenu : en cas de débordements, le retour sera à huis clos. Soyez sages, messieurs (mais pas trop).