Alors que la plupart des championnats reprennent tout juste ou vont reprendre leurs droits, l’Eredivisie en est déjà à la troisième journée. Au programme notamment ce week-end, un sympathique Ajax-Feyenoord. Zoom sur l’un des matchs les plus chauds d’Europe qui aura lieu ce dimanche à 12 h 30.
« Pendant qu’Amsterdam rêve, Rotterdam travaille ». C’est le trait grossier de cette rivalité résumée sur une banderole déployée par les fans du Feyenoord. Les artistes contre les travailleurs, en somme. Le cliché n’est pas complètement faux puisque l’antagonisme naît précisément de ces différences. Amsterdam et sa bourgeoisie avec ses acteurs, artistes et son équipe de football au jeu chatoyant à la renommée internationale. Tout le contraire de la ville voisine située à une petite centaine de kilomètres au sud-ouest. Rotterdam l’ouvrière vit essentiellement de son port, forcée de travailler après avoir été lourdement touchée par les bombardements pendant la guerre. Des valeurs qui font la fierté de ses habitants excédés comme partout dans le pays de la retentissante capitale et par extension, de la vanité des Amstellodamois. C’est sur ces données historico-sociétales que reposent les fondations du « Klassieker » (le Classique). La rivalité entre les deux clubs décollera vraiment dans les années 1970 lorsque l’Ajax et le Feyenoord figuraient parmi les meilleures équipes du monde. Côté tribunes, le spectacle perdra forcément de sa saveur dimanche, comme depuis 2009. Suite à des incidents entre hooligans des deux camps, le Klassieker se déroulera sans supporters visiteurs (à l’exception d’une finale de Coupe en 2010). Et comme si cela ne suffisait pas, le match aura lieu à 12 h 30. Aucune précaution n’est de trop depuis la mort de L’Ajacide Carlo Picornie dans une rixe avec d’autres hooligans en 1997.
L’Ajax et l’identité juive
Sous l’impulsion du génie Johan Cruyff, l’Ajax a remporté trois Coupes d’Europe consécutives en 1971, 72 et 73. Et le championnat en 1970, 72 et 73 après avoir dominé également les années 1960. Ces succès seront un motif supplémentaire de la jalousie véhiculée. Le légendaire Johnny Rep fait partie de la petite trentaine de joueurs qui ont porté le maillot des deux clubs. Même Cruyff, pourtant estampillé « Ajax », a fini sa carrière chez l’ennemi. L’ancien bastiais a déclaré un jour : «Quand j’ai joué au Feyenoord, je me faisais traiter de sale juif par certains supporters, parce que j’avais entamé ma carrière à l’Ajax« . Les Joden (juifs) ne représentent en réalité qu’une mineure partie des supporters. Ce surnom est sans doute hérité de l’avant-guerre en raison de la proximité du quartier juif et du stade. D’autres versions diffèrent mais celle-ci reste la plus vraisemblable. D’où les étoiles de David reprises dans les tribunes et les signes confessionnels propres au judaïsme. Aujourd’hui, les Joden définissent la frange qui a choisi de conserver et de revendiquer cette identité. C’est le cas du F Side, les ultras radicaux de l’Ajax mais également les plus fidèles. Le groupe est fondé dans les années 1970 et est largement influencé par le hooliganisme venu d’Angleterre. Comme tous ceux dont le nom est composé de la lettre du secteur associé au mot « side ». Picornie était d’ailleurs l’un des leurs. Cette étrange affirmation d’une identité inventée provient de multiples insultes à caractère antisémite subit depuis des décennies. Le F Side s’est aussi illustré pour ses nombreuses actions dont l’introduction clandestine d’une vache au stade pour protester contre l’état de la pelouse. Parmi les autres supporters de l’Ajax, on compte aussi le VAK 410 (Porte 410) groupe fondé par des jeunes qui souhaitaient apporter une autre ambiance au stade.
Le Feyenoord, place forte du hooliganisme
La formation de Rotterdam, quant à elle, a remporté son unique Coupe d’Europe en 1970, et a glané le titre d’Eredivisie 1971. C’est le seul club alors capable de rivaliser avec la grande équipe de l’Ajax. Au même moment le hooliganisme fait son apparition aux Pays-Bas et notamment chez les prolétaires du Feyenoord. Le SCF (Sport Club Feyenoord) deviendra presque aussi célèbre et craint à travers l’Europe que l’ICF de West Ham. Une violence qui persiste aujourd’hui encore, les Nancéens se souviennent par exemple d’un match de Coupe de l’UEFA en 2005. Le club sera à cette occasion exclu de la compétition par l’UEFA. Les responsables ? Les membres du fameux Vak S dont on estime le nombre à environ 300. La différence par rapport à certains de leurs homologues, c’est qu’ils sont souvent armés (couteaux, batte de baseball…) et agissent lors de rencontres fortuites. Peu de « fights » sont organisés. Heureusement, les joueurs peuvent surtout compter sur ses ultras de l’ Het Legioen (La Légion). C’est le principal groupe de supporters, souvent appelé simplement « 12 », comme le douzième homme. Si les visiteurs avaient eu le droit d’assister à la rencontre, nul doute que ce Klassieker aurait été dédié à Rooie Mark. Ce fan en phase terminale s’en allait trois jours après avoir été dignement ovationné lors d’un entraînement du Feyenoord (voir vidéo).
Malgré l’émotion, l’équipe de Rotterdam a un besoin impératif de résultat. Une 3e défaite en autant de matchs ferait tâche. De son côté, l’Ajax occupe le milieu de tableau avec une victoire et un revers. Débuts des hostilités dimanche, à la sortie de la messe donc.