Il a lancé un appel sur les ondes de RTS Radio pour que les médias donnent la parole aux ultras. Lui c’est Sylvain, le leader de la Butte Paillade. C’est l’un des organisateurs de la grande manifestation qui avait eu lieu à Montpellier en octobre dernier. L’occasion de parler du mouvement, bien sûr, mais pas que.
Tu disais récemment sur Liberté pour les Auditeurs que ta belle-famille ne te parlait plus parce que tu es un ultra…
Sylvain : Le problème, c’est que c’est des gens qui lisent les journaux. Et malheureusement, ils ne donnent pas une bonne image des ultras. Au contraire. On est constamment stigmatisé, montré du doigt et l’amalgame est toujours fait entre hooligan et ultra. En plus, j’ai eu des ennuis par le passé avec la justice comme bon nombre de personnes dans le stade. À partir de moment-là, tu es un bandit ! C’est leur vision. Moi, ma famille m’a toujours soutenu. Elle sait ce que nous faisons dans le mouvement. Quand on ne s’intéresse pas à quelque chose, c’est très facile de juger négativement.
Tu demandes souvent qu’on donne la parole aux ultras. Pourtant beaucoup de représentants de groupes refusent de s’exprimer. Tu ne crois pas que le tort est partagé ?
Oui, c’est sûr mais ça je le dis souvent. Il ne faut pas avoir peur des médias, il faut parler avec eux. Surtout qu’on se plaint après quand ils font de la mauvaise pub ! Quand il y en a qui viennent nous interroger, on n’y va pas. Je sais très bien que La Grinta, Liberté pour les Auditeurs etc. Vous êtes des médias un peu plus « underground » qui s’intéressent un peu plus à la chose. Le problème des gros médias, c’est qu’on va faire une interview et ils vont complètement changer nos dires ou alors prendre juste des morceaux de phrase qui vont faire un scandale. C’est dommage, ce n’est pas pour arranger les choses même si c’est vrai que les leaders de groupes devraient se donner un peu plus aux interviews.
Il y a des groupes qui ont un capo (leader) jeune, à peine la vingtaine alors qu’à l’étranger c’est quasiment impossible. Est que ce n’est pas un des problèmes aussi du mouvement ultra français ?
Le mouvement ultra français comparé à l’Italie, par exemple, il est vachement plus jeune. Donc, c’est sûr qu’il y a pas mal de groupes où les leaders sont jeunes. J’en ai vu à la manifestation, la plupart ils avaient le même âge. On a tous la trentaine à peu près. Moi, j’étais déjà leader dans ma tribune à 22 ans. Comme je suis maintenant, je l’étais déjà à 22 ans. Après, ça ne s’improvise pas non plus d’être leader ou capo d’un groupe, ça tu l’as dans le sang. Que tu aies 22 ans ou 30 ans si t’as cette aura autour de toi, ça fonctionne. Même s’il y a leader et leader. Il y a celui qui mène une tribune qui rentre chez lui, laisse le mégaphone au local sans voir personne de la semaine et ne s’intéresse pas au mouvement. Et il y a être ultra, faire partie d’un groupe et le vivre au travers d’internet aussi. Pour moi, ça se vit au quotidien. Essayer de s’instruire dans les journaux, regarder un peu ce qui se passe, lire beaucoup d’articles et faire le tri. Ne pas se contenter de ce qui se fait sur internet. Parce que le problème de la nouvelle génération, c’est que c’est surtout des ultras du web ! Ce que je fais, c’est avec le cœur. Ce n’est pas du paraître ou une mode. J’ai eu plusieurs copines. Chaque fois que j’en ai eu une qui ne s’intéressait pas à la chose, elle dégageait ! Et ça passera avant mon mariage, ça passera avant tout ! Certes, ça prend énormément de temps, ça te bouffe la « vie normale » mais à l’arrivée, ma vie c’est le stade. C’est un peu dur à comprendre pour certaines personnes, ça peut faire même sectaire. Plus qu’une passion, notre de style de vie.
Comment vois-tu l’arrivée de l’Euro 2016 en France ? Est-ce que ça va être un moyen d’imposer le modèle anglais ou est-ce que ça peut être un nouvel élan comme en Allemagne ?
Je vais te dire, je ne suis pas devin ! Ça, on le saura après 2016. Je ne vais pas te dire : « oui, ça va être la merde pour nous » pour reprendre ce que tout le monde dit. Ce que je vois de plus en plus par rapport à L’Euro 2016, bon nous on est pas touché, mais tout le foot business fait qu’on est obligé d’avoir des stades plus modernes qu’avant. Ce qui veut dire plus de répression avec des caméras, beaucoup plus de sécurité. Oui, avec les nouveaux stades qu’ils sont en train de construire, ça va être moins rigolo pour nous. Ce que la BSN fait aujourd’hui à Nice, je ne pense pas qu’ils puissent continuer à fond dans leur nouveau stade. Ils vont peut-être être obligés de rentrer dans le rang et de se monter en association normale etc. Et ça va être un peu partout pareil. Voilà comment je le vois. C’est sûr, je ne le vois pas d’un bon œil. Cette année, je n’ai pas eu la chance – j’étais IDS – d’aller à Schalke en Ligue des Champions, mais on m’a dit : « C’est un truc de fou ! Tu vas pisser aux chiottes du parcage, t’as des petits écrans avec des pubs !» Il y en a qui vont dire, « whaou c’est génial ! ». Mais il faut voir plus loin que le bout de son nez. Tu vas à banque de France ou dans un stade, maintenant c’est à peu près pareil ! C’est autant fliqué, autant de caméras, autant d’interdits etc. Ils feront tout pour avoir le moins de problèmes. Mais ce n’est pas nous, ultras français, qui allons causer des problèmes. S’ils ne bloquent pas des personnes de certains pays… nous on sera plus spectateurs, que acteurs.
Est-ce que la manifestation que vous avez faite il y a quelques mois à Montpellier pour la liberté des ultras et la justice pour Casti n’était pas un coup d’épée dans l’eau ?
Je n’espère pas. C’est vrai que vu la tournure les choses… Il y a le sous-préfet qui nous avait promis de faire remonter la motion qu’on avait déposé. On n’a pas eu encore le retour donc je ne pense pas qu’on n’en ait. C’est là le problème. Les coups d’épée dans l’eau, ce n’est pas notre style. On va en mettre d’autres des coups d’épée, jusqu’à ce que ce soit dans la tête de quelqu’un ! Au moins, on aura gagné quelque chose (rire). Mais ouais, ce n’est pas en faisant une manifestation tous les 4 ans qu’on y arrivera, c’est en faisant régulièrement. Là, on s’est vu déjà au mois de janvier avec certains groupes. Ça s’est un peu essoufflé. Il faut qu’on reprenne tout ça. C’est jamais évident, du moins en France, en fin de saison de regrouper beaucoup de personnes. T’en as qui jouent le titre, l’Europe, pour ne pas descendre. Tout le monde est plus ou moins concentré sur son groupe et sur son club. Malheureusement, c’est comme ça. Normalement, celui qui joue le titre peut décrocher un match pour faire réagir, mais on n’a pas la mentalité pour ça. Je parle aussi pour nous, l’année dernière à Auxerre. S’il avait fallu boycotter, on aurait eu beaucoup de mal. Par exemple de faire une action de tribune vide, il y en a que quelques uns qui vont le faire. Je prends notre exemple, nous franchement on l’aurait pas fait. Le problème aussi, c’est qu’il n’y a qu’un noyau de groupes en France qui ont cette mentalité là. T’as beaucoup de chants dans un stade, mais tu as à l’arrivée entre 50 et 100 personnes qui sont ultras à fond.
Et « l’affaire Casti », si on peut appeler ça comme ça… On en est où ?
Avant les fêtes cet hiver, ça a pas mal bougé. C’était la police de Montpellier qui enquêtait sur la police de Montpellier… Donc ça, on a fait remonter de suite avec des avocats. Les principaux témoins ont été entendus par la police des polices, c’est eux qui ont repris le relais. C’est déjà pas mal. Apparemment, les avocats de Casti lui auraient dit qu’il y aura une première instance cet été. Ça va être long, il y en a au moins pour un an de procédure… On est quand même confiant. Ecoute, on est des Pailladins, on lâche rien ! Il faut que ça éclate. Il y aurait même une policière présente en tenue ce jour-là qui va témoigner contre le flic de la BAC. Il y a une vidéo aussi. Lui dit que c’est de la légitime défense parce qu’il était soi-disant attaqué par des supporters. Il aurait tiré dans la panique et c’est Casti qui l’aurait pris dans l’œil alors que ce n’est pas du tout comme ça que ça s’est passé. Nous on a pas pu voir la vidéo, mais les avocats l’on vu et ceux qu’on a pris, c’est pas des pitres. Ils font partie des meilleurs bureaux d’avocats de la région. Je pense pas qu’ils nous auraient remontés le moral comme ça pour rien.
« Quand on voyait des jeunes faire les cons à la Paillade , on les prenait avec nous pour peindre des drapeaux… »
Justement, vous prenez des initiatives à Montpellier notamment avec des démarches judiciaires. Est-ce que ce n’est pas à vous, Montpelliérains, de reformer une sorte de Conseil National des Ultras (CNU)?
La réunion qu’on a faite suite à la manifestation, c’était à l’initiative des Grenoblois et qu’on a suivi de suite. On ne peut pas s’imposer, de prétendre à un leadership parce qu’il ne faut pas qu’il y en ait. Il y a encore tellement de rivalités… Si c’est un Stéphanois qui va commander, t’en as plein qui ne vont pas suivre. Pareil pour un Marseillais, Niçois, Parisien ou Montpelliérain. Au bout d’un moment, il faut quand même prendre des initiatives. Faire des réunions, pourquoi pas. Nous, on est plus capable d’organiser des manifestations. On est plus du genre à haranguer les foules, et amener les troupes. Pour les réunions, il faut des gens qui parlent bien, c’est pas notre cas (rire). Mais c’est très bien ce que les Grenoblois ont fait, il en faut des gens comme ça ! Par contre, aider la prochaine ville à faire une manifestation, ça pas de souci. On sait déjà faire.
Pour continuer sur la Butte Paillade 1991, tu déplorais qu’on ne mette pas assez en avant vos actions sociales. Vous faites quoi, alors exactement ?
Bon, c’était il y a quelques temps déjà quand on avait encore notre local. Quand on voyait des jeunes faire les cons à la Paillade (quartier sensible de Montpellier), on les prenait avec nous pour peindre des drapeaux, taper le ballon avec nous, faire des soirées plutôt que de les laisser trainer dans la rue. On va peut-être récupérer un nouveau local. On va avoir besoin de pas mal de corps de métier pour pouvoir le rénover donc ça va faire travailler du monde. Et pareil pour toutes les petites mains dont on aura besoin. Donc, les jeunes qui n’ont pas de taf plutôt que de rien branler toute la journée, ils viendront travailler au local parce qu’on en a pour quelques mois. Par la suite, on pourra organiser des concerts, soirées, lotos etc. Cela fait quelques temps aussi qu’on a l’idée de peut-être soutenir une association. Moi, j’aimais bien l’association des petits orphelins en France. Les assos contre les maladies, la moitié d’entre nous sont des gitans, ils disent que sa porte la poisse ! Alors on ne va pas s’en occuper (rire).
Un dernier mot sur ton groupe, tu peux nous parler de l’association ACID ?
Déjà, ce n’est pas la Butte Paillade. C’est des gars qui font partie de la populaire de Montpellier. Des anciens de l’Armata et de la BP qui sont des indépendants et qui ont voulu créer ça. ACID, c’est Association Contre les Interdictions de stade abusive. Chacun donne un minimum de 50 euros. Et chaque fois qu’il y aura une IAS, pas IDS hein, la personne sera protégée par l’association qui engage des avocats et s’occupe de la procédure administrative. En gros, c’est un peu un syndicat des ultras sur Montpellier. Je sais que les Lyonnais ont fait pareil et ça serait bien que d’autres groupes suivent parce que c’est un des moyens pour montrer aux autorités qu’on se défend. Et qu’on dise plus comme à l’époque : « IAS ? Bah voilà, c’est comme ça ». Une IAS, c’est toujours contestable. Si les autorités voient ça, ils vont se poser des questions. Depuis l’affaire Casti, les flics ont vu qu’on n’était plus des petits gamins sans défense et qu’on a décidé de lutter. Et depuis, ils sont toujours présents mais ils font moins de zèle. Surtout la BAC, on ne les voit plus. Des mecs qui n’ont rien à faire là, la BAC c’est un truc d’intervention. Ce n’est pas le maintien de l’ordre comme ceux qui sont déguisés là… enfin, en uniformes. Ce qu’il y a, c’est qu’il faut éviter de se cogner pour un rien aussi. Mais ça fait pas mal de temps que ça s’est calmé au niveau des incidents et de la violence. Maintenant, c’est plutôt des problèmes liés à des fumigènes, pétards, taux d’alcoolémie élevés, joints… Ce qui me fait un peu rire, c’est quand on voit la cellule anti-hooligan avec Boutonnet à la tête qui cherche sa bonne place pour l’Euro 2016 : chef de la sécu française. Il aura réussi en donnant des chiffres qui n’ont ni queue ni tête.
Pour finir, un peu de sportif… C’est pas trop la joie à Montpellier depuis le titre… T’aurais aimé, toi, que Maradona ça se fasse ?
En tout cas, j’aurais préféré voir débarquer Maradona que Jean Fernandez ! J’espère que ce ne sera pas lui, que ce sera quelqu’un d’autre. Ce que j’aurais vraiment aimé, c’est de garder René Girard. Et de voir partir Louis Nicollin pour laisser sa place à son fils !
Il y a une fracture entre vous et Nicollin ?
Ouais, mais si tu veux la fracture a toujours été là. Sauf quand on était vraiment un club familial. On n’a jamais eu de rapports avec lui. Les seuls qu’on a, c’est à travers Midi Libre quand il nous insulte. On sait à qui on a faire, tout ce qu’il peut dire et vomir ne nous touche pas. C’est pour ça qu’on aimerait avoir Laurent Nicollin qui est plus en adéquation avec son temps que le père. La fin de saison catastrophique, c’est lié à ses sorties médiatiques qui sont plus que limites. Foutre le bordel avec Girard, les joueurs… J’aurais espéré au moins l’Europa League. Après, les joueurs qui ont le melon qui a explosé, ils n’ont plus rien à faire ici. Mais ça c’est le football de maintenant. Le seul différent, c’est Laurent Pionnier.
Propos recueillis par Adrien Verrecchia