Nouveauté chez La Grinta. Si les supporters sont absents des stades depuis quelques mois, leur passion reste sans faille. Alors nous avions envie de leur offrir une carte blanche pour raconter avec leurs propres mots et sans filtre ce moment, ce joueur, cette victoire ou cette déception qui symbolise le mieux leur amour pour un club. « Monsieur Mehdi » (@Monsieur_Mehdi sur Twitter) débute donc cet exercice en nous parlant de sa Roma.
Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était pourtant il y a plus d’une vingtaine d’années maintenant.
Parler de coup de foudre serait mentir. J’ai appris à la connaître, puis à l’aimer, au fil du temps.
Je vais vous raconter mon amour pour la Roma.
Latéral gauche de formation, j’ai longtemps idolâtré Eric Di Méco. J’appréciais donc l’OM, qui était le club que je voyais le plus, mon père en étant supporter. Mais en 1997, avec le déclin de l’homme au tacle volant, mon regard s’est porté sur un autre homme, Vincent Candela. Sa technique, sa tenue, même son style capillaire, je copiais tout de lui. Avec plus ou moins de succès.
Je suivais ses matchs et ses performances du mieux que je pouvais, à cette époque il était encore difficile de voir toutes les rencontres du championnat français. Mais j’essayais. Je le suivais chaque semaine avec attention, pour essayer de copier son jeu. Il est rapidement devenu ma référence.
Et un jour, en Coupe Intertoto, il a tellement brillé face à l’Inter, qu’il a fini par taper dans l’œil de la Roma.
Sa vie, et donc aussi la mienne, allait alors complètement changer.
Voici Candela à la Roma. Club que je ne connais pas. Je ne connais pas l’équipe. Je ne connais pas la culture. Je ne connais pas l’histoire du club. J’ai 12 ans à ce moment, et beaucoup de temps à perdre.
Je me penche alors sur le club. Ses joueurs. Ses légendes. Je suis Candela, et au départ uniquement lui, au travers des grands formats de l’Equipe du dimanche sur Canal +. Pas d’Internet à l’époque.
Pour connaître l’effectif, c’est Football Manager qui était ma référence. Je n’avais d’yeux que pour Candela au départ, avant d’apprendre à découvrir ses coéquipiers.
Cafu. Konsel. Aldair. Di Francesco. Et un petit jeune, devant, Totti. Mais suivre Candela n’a pas fait de moi un supporter de la Roma. Non, ça, c’est le club, son histoire, ses valeurs et ses fans qui s’en sont chargés.
A ce moment-là de ma vie, en pleine construction, je n’avais pas de club référence. Mon père était pour l’OM, ma mère, originaire du Pas-de-Calais, ne me parlait que de Lens. Choisir entre les deux me semblait impossible. Et le LOSC, le club de ma région, moins fort à cette époque, m’avait laissé de très mauvaises impressions quand j’avais joué face à eux à mon petit niveau.
Rome tombait donc à pic, et la Roma est venue combler ce vide, s’emparant alors de mon cœur.
Déjà, un rendez-vous périodique s’est fixé entre la Roma et moi. Chaque lundi, je regardais la VHS sur laquelle j’avais enregistré l’Equipe du dimanche, en commençant par les résumés Italiens.
Puis j’ai voulu en savoir plus. Ces 5 minutes de match ne me suffisaient plus. Je voulais connaître le club. Pouvoir en parler mieux. J’ai commencé, sans parler un mot d’Italien, à acheter la Gazzetta Dello Sport. Autant vous dire que je n’y comprenais rien. Mais rapidement, les photos de la Curva Sud, les résumés de match, toutes ces petites choses se sont muées en addiction. Et Rome est devenue ma passion.
J’ai étudié la ville, son histoire, les clubs qui la peuplent (il parait qu’il y en aurait un second ?). J’ai acheté les maillots, les équipements, tout ce que je pouvais me procurer dans un monde ou les maillots Kappa n’étaient pas aussi facile à trouver qu’aujourd’hui. Rapidement, j’ai succombé pour l’excès de la Roma. Supporter la Louve, c’est savoir que l’on supporte le plus beau club du monde à ne jamais rien gagner.
C’est croire au titre après deux victoires, et demander le licenciement des joueurs, du coach, du staff, et même du président après une défaite. C’est vivre un cycle simple, qui consiste à y croire fort, à être déçu, à ne plus y croire du tout, puis être surpris, puis se remettre à y croire fort, et ainsi de suite.
Rome, c’est plus qu’un club. C’est une ville. Une ambiance. Un monde à part. J’ai eu la chance d’assister à de nombreux matchs de la Roma, au Stadio Olimpico. Les jours de matchs, les maillots sont de sortie. On se lâche des mots gentils entre supporters. Il se passe quelque chose dans la ville lorsque la Roma joue. Cette ambiance, c’est aussi une autre vision au quotidien, comme lorsque un vendeur ambulant m’a fait une réduction parce que j’avais un maillot d’Osvaldo sur moi, ou quand un policier m’a encouragé pendant le marathon de la ville parce que j’avais le short de la Louve.
C’est ça Rome, c’est un sentiment d’appartenance, d’existence, d’unité avec des gens qu’on ne verra peut-être qu’une fois dans sa vie. Rome, c’est pleurer tous comme des enfants pour les adieux de Totti, sans honte, sans gêne, ensemble. Parce qu’on est une famille.
Rome, c’est croire chaque saison, que, ça y est, cette fois, c’est la bonne. Rome, c’est aussi aux yeux des supporters français, un club de plus en plus reconnu, grâce à Mancini et Reveillère, Mexes, Totti, De Rossi et Florenzi, Rudi Garcia, la tête décroisée de Manolas, mais aussi Veretout et Dzeko maintenant. Mais pour moi cela ne change rien, la Roma reste la Roma, qu’elle gagne ou pas.
Supporter Rome est pour moi une évidence. Je me reconnais dans le club et son image. Constamment sous évaluée, jamais vraiment prise au sérieux, mais toujours là, pas loin, suffisamment proche pour nous faire vibrer et entretenir l’espoir. Rome, c’est la Ville éternelle, alors qu’est-ce que ça peut bien faire d’attendre un an de plus avant de remporter le Scudetto ?
En attendant, match après match, saison après saison, mon amour ne faiblit pas, et même si le club ne remporte pas de titre majeur, j’y trouve tout ce que je suis venu chercher. Et après tout, n’est-ce pas là l’essence même du supporterisme ?
Rome est éternelle, mon amour pour la Roma l’est aussi. Je ne peux que vous souhaiter de trouver, vous aussi, le club qui répondra à vos attentes et vous permettra de l’aimer, avec ses qualités et ses défauts. Parce que c’est ça, le football.
Crédit images : Iconsport