Le mouvement ultra, il l’a connu à ses prémices à Naples en 1972. Gennaro Montuori dit « Palummella » est l’un des fondateurs du premier groupe de la Curva B napolitaine. Peu après le confinement, il s’est confié au site « contropiede azzurro ». Traduction savoureuse des souvenirs d’un vieux de la vieille.
Gennaro, comment est née ta passion pour le Napoli et comment êtes-tu devenu chef des ultras de la Curva B ?
En 1962, Naples, une équipe de Serie B, a remporté la Coupe d’Italie, le premier cas de l’histoire. J’avais 4 ans et chez moi nous avons fêté cela avec mes frères. Par la suite, il y a eu la Coupe des vainqueurs de Coupe contre l’Etoile Rouge. Il y avait l’Argentin Tacchi, ma première idole, qui a également marqué un but sur corner. À partir de ce jour-là, je suis devenu passionné par le football et j’ai commencé à aimer viscéralement le ballon. Là où je suis né, à Santa Maria Antesaecula, j’étais un gamin des rues qui a lancé un ballon qui a percuté la herse du bâtiment où le grand Totò (l’acteur Antonio De Curtis, ndlr) est né. Vous savez ce qu’on dit, tout n’arrive pas par hasard. Quelques années plus tard, une belle fille est passée dans ces rues en chantant la chanson « Palummella, zompa e volo». Je l’admirais, elle était très douée et elle m’a demandé si j’aimais la chanson. Je suis resté avec ce surnom (Palummella, « papillon » en napolitain, ndlr) depuis,
Alors tu es allé au stade avec ton père et tes frères ?
Non, juste mes frères. En bon travailleur, il pensait à diriger la famille et n’aimait pas beaucoup le football. Mais, il y est allé une fois – toujours avec mes frères – et l’a regretté. À cette occasion, lors d’une charge de police aveugle, il a mangé un coup de matraque et s’est retrouvé à l’hôpital. C’était lors de Napoli-Ascoli, en 1980. La police a chargé sans distinction tous les supporters, aussi bien ceux qui avaient des billets que ceux qui n’en avaient pas et qui se pressaient pour entrer. Vous savez, j’ai toujours été contre la violence et en faveur des institutions, mais à cette occasion, je me suis énervé. Ce fut une mauvaise expérience pour lui. Au fait, peu de temps après, mon père est parti et je regretterai toujours ce qui lui est arrivé. Eh bien, je le dis maintenant pour la première fois, cette charge de police m’a vraiment fait quelque chose.
Tu as représenté pendant tant de temps le chef de la Curva B, comment as-tu commencé?
Les ultras à Naples sont nés en 1972. Mais au début c’était juste moi et 4-5 amis de Santa Maria Antesaecula qui allions au stade. À l’époque, tout le monde m’appelait déjà Palummella. Je me souviens que nous avons rempli des canettes de coca et de soda à l’orange avec des pierres en guise d’instruments, autour de nous les gens applaudissaient et nous suivaient, mais nous n’étions guère plus que des enfants. Puis des amis m’ont demandé si nous voulions rejoindre les ultras et nous avons fusionné les différents groupes, ceux de Vomero, de Fuorigrotta, ceux de la Sanità. Du groupe historique de Santa Maria Antesaecula, un est mort lors d’une plongée à Lido Ondina di Mergellina et ce fut une tragédie. Les autres, petit à petit, ne m’ont plus suivi. Donc l’histoire, cette histoire, aujourd’hui est la mienne seule. Les Ultras 72 sont juste et seulement moi. En fait, quand j’ai quitté le supportérisme organisé, je me suis aussi fait remettre les bâches du groupe. Pour le meilleur ou pour le pire, ceux qui sont arrivés plus tard construisent leur propre histoire. Je ne veux pas y être associé.
J’y vois une teinte de controverse… Y a-t-il tant de différences entre les ultras d’hier et ceux d’aujourd’hui?
Non… je ne fais pas de polémique. Je ne connais pas les ultras d’aujourd’hui, peut-être que je ne pourrais en parler que par ouï-dire car j’ai beaucoup d’amis parmi eux et il y a beaucoup de gens décents. Mais avant on était une seule famille, aujourd’hui je ne sais pas, je ne pense plus que ce soit le cas. La vérité est que j’aime tous les fans de Naples, mais les vrais. Pas les fanatiques ou à ceux qui vont au stade pour créer des bagarres, ni aux téméraires qui se droguent et qui ne font que nuire à Naples. Je suis contre toutes les formes de violence.
Le meilleur match de Palummella ?
Pas un mais 5 ou 6. Le premier est définitivement Juventus-Napoli 1 à 3, l’année où nous avons compris que nous allions devenir champions d’Italie. Puis celui avec le but de Carnavale au San Paolo dans le match qui attribuait mathématiquement le premier Scudetto, celui avec le but de Marco Baroni, quand nous avons compris que nous gagnions le deuxième Scudetto. Et puis le match de Coupe de l’UEFA avec un but de Renica. Ou encore Napoli-Juventus en 1986 qui s’est terminé 3 à 1, avec des buts de Ferrario, Giordano et Volpecina, celui-là valait le Scudetto. Mais aussi le beau match de 2018 avec le but de Koulibaly à la 90e . Et puis il y a aussi le 4-0 à l’Olimpico contre Vérone, en finale de la Coupe d’Italie que nous avons gagnée,
Tes champions préférés, d’hier et d’aujourd’hui ?
Maradona et immédiatement après, à la deuxième place, Bruscolotti. Aujourd’hui, je dis Mertens et Insigne, à égalité. Mais ma première passion était Omar Sivori. Quand il est arrivé à Naples en 1965, j’avais 7 ans mais il m’a rendu fou. La Juventus ne voulait pas le vendre à Naples et à ce moment, Fiore et Pesaola étaient très bons. Ils sont ensuite devenus deux de mes amis historiques. Deux grands messieurs, deux repères importants pour moi, tout comme Giorgio Ciccarelli, mon second en virage. Aujourd’hui marque le vingtième anniversaire de sa mort et il a été un frère dans les gradins, mon ombre toute ma vie. Dîtes-vous que tout Naples est venu lui faire ses derniers adieux et qu’il y avait aussi Ferlaino (ex-président du club, ndlr) et l’entraîneur Novellino.
Votre relation avec Maradona…
Un grand ami fraternel, ainsi qu’un footballeur. Après tant d’années, nous nous sommes revus et il m’a demandé : « Hé, tu m’aimes toujours? » Il m’a emmené manger pour mon anniversaire, nous avons passé une soirée ensemble, nous l’avons lui décerné une récompense et on nous a également immortalisé avec un baiser pour rigoler… qu’il a fait sur mes lèvres en guise de surprise ! A cette occasion, il m’a aussi dit que je suis comme un frère pour lui … Mais tu rigoles, sept longues années et nous étions ensemble presque tous les jours, j’étais aussi à son mariage.
Le plus beau tifo…
J’étais le roi des chorégraphies. Le plus beau pour moi ? Les bananes contre Vérone. Eux avec la bannière « Vésuve ressuscite et détruis-les tous », moi avec les 20 000 bananes et la banderole « Juliette est une putain » – et puis une scénographie que je ne ferais pas aujourd’hui : les 30 000 étoiles. J’ai équipé les supporters de petites étoiles scintillantes, vous savez, celles qui s’illuminent le soir du Nouvel An. J’avais été convoqué préalablement par la préfecture pour me prévenir que ce serait très dangereux. Je leur ai dit de ne pas s’inquiéter et que je garantirais l’opération. Je suis entré dans le virage avec le mégaphone et j’ai crié que si cet ensemble créait des dommages, je finirais directement en prison. Finalement, certains (beaucoup) ont été brûlés mais le tifo était magnifique et il n’y a pas eu de gros problèmes. Et le préfet a été grandiose de me faire confiance .
Qui est Gennaro Montuori aujourd’hui ?
Quelqu’un qui avance avec l’âge. Je suis contre la drogue, contre la violence et contre le racisme, contre toutes sortes de brimades et en faveur des valeurs familiales. J’ai un premier enfant de presque 40 ans et une fille de 6 ans qui me garde jeune. J’ai 5 enfants et 9 petits-enfants, je suis veuf, mais ensuite j’ai rencontré une belle femme et maintenant j’ai aussi une belle fille. Depuis 33 ans je dirige une émission, le seul cas au monde, sur Tele A. Je suis rédacteur et directeur éditorial de « tifosi napolitani » et j’ai un site sur le sujet très sympa. J’ai un club de coordination des fans napolitains du monde, que j’ai créé, et j’en suis le président d’honneur. Il y a aussi le club Napoli Champions avec l’ancien directeur sportif Gigi Pavarese, le professeur Tarro, Patrizio Oliva, Pino Porzio et bien d’autres personnes magnifiques, le tout avec une seule certitude, la passion azzurra…
Propos traduits du site « contropiede azzurro »