Comme une sensation de déjà-vu. À l’occasion de la 10e journée de Championship face à West Bromwich, Marcelo Bielsa a fait le choix de rappeler sur le banc un joueur (Tyler Roberts) qu’il avait fait rentrer à la mi-temps. Un coaching gagnant de la part de l’Argentin qui l’a davantage embarrassé que réjoui.
20 ans après, Marcelo Bielsa a de nouveau vécu une situation peu confortable. De celle qui peut remettre en cause votre supposé « génie » en plus de froisser l’égo d’un joueur. Mais l’Argentin n’est pas du genre à faire dans les sentiments quand la victoire est en ligne de mire. Dans ses commandements, si l’appel déclenche la passe, les circonstances de jeu obligent le coaching. Quelle que soit la période du match et peu importe la notoriété du joueur. Un pragmatisme dont avait déjà fait preuve l’Argentin en France à Lille ou à l’OM, démontrant ainsi son irrévérence aux traditionnels changements préétablis si la situation l’imposait. Bielsa l’a rappelé à bon escient en Championship en milieu de semaine dernière face à West Bromwich à l’heure où les regards étaient rivés sur la deuxième journée de la Ligue des champions.
La particularité des conférences de presse de Marcelo Bielsa ne repose plus tant sur la dialectique de l’Argentin, mais dans ses anecdotes inattendues, ses digressions et riches souvenirs. Pour appuyer son argumentaire, l’entraîneur de Leeds n’hésite pas à évoquer son vécu et à se mettre à nu. Qu’il s’agisse de faits négatifs ou positifs, l’entraîneur de Leeds se veut transparent à 100%. Le 1er octobre dernier n’a pas dérogé à la règle. Interrogé sur la réaction de Tyler Roberts suite au remplacement du jeune attaquant de 20 ans à la 76e minute après être entré en jeu au retour des vestiaires, Marcelo Bielsa s’est rappelé de deux faits similaires dans sa carrière. Et l’un d’eux lui a permis d’évoquer l’antipathie ressenti par un de ses anciens joueurs suite à une décision analogue (voir vidéo ci-après).
Car si rendre hommage à Marcelo Bielsa est légion, un homme a la rancune tenace. 20 ans après, il ne lui a toujours pas pardonné et le ne le pardonnera jamais. Ce joueur, c’est Andrés Guglielminpietro. Un ancien milieu de terrain de l’AC Milan de Zaccheroni (1998-2001) et de l’Inter de Cúper (2001-2003) suffisamment doué pour avoir été appelé avec la sélection argentine à une époque où l’Albiceleste était exclusivement composée de légendes. Mais sous la tunique argentine ‘El Guly’ n’est connu que pour un seul haut fait : avoir été remplacé 30 minutes après son entrée en jeu à l’occasion de sa première sélection. Une décision que ce dernier n’a jamais digérée.
31 mars 1999, les Pays-Bas accueillent l’Argentine en match amical. L’Amsterdam ArenA est le théâtre privilégié de la confrontation entre les deux sélections les plus talentueuses et excitantes du moment. Michel Platini est dans les tribunes pour assister à ce choc neuf mois après le quart de finale d’anthologie de la Coupe du monde 1998. À l’aube du printemps, les Pays-Bas restent sur trois matchs nul consécutifs quand l’Argentine de Bielsa reste sur deux victoires depuis l’arrivée récente du natif de Rosario. Très vite menée au score suite à une frappe sublime d’Edgar Davids (10e), l’Albiceleste court après le score. Bielsa demande alors à Guglielminpietro de se préparer pour entrer dès le retour des vestiaires. Sa mission : remplacer poste pour poste Ariel Ortega sur l’aile droite de l’attaque argentine.
« J’aurais dû l’envoyer chier »
81e minute, la bande à Redondo, Verón et consorts ne parvient toujours pas à trouver la faille face à des Néerlandais réduits à 10 (exclusion de Davids, 73e). C’est le moment choisi par Marcelo Bielsa pour jouer son va-tout. En concurrence avec Gabriel Batistuta pour le poste d’avant-centre, Hernán Crespo entre en jeu en lieu et place… de Guglielminpietro. Un remplacement vécu comme une humiliation. « On me ressort toujours ce qu’il s’est passé contre les Pays-Bas et je pense que j’aurais dû l’envoyer chier, regrette encore aujourd’hui ce dernier en évoquant ce choix de Bielsa. Si je le croise, a-t-il confessé pour l’émission de radio argentine ‘FM Club Octubre 94.7’ le 28 juillet dernier, je n’hésiterai pas. Mais j’aurais dû le faire il y a 20 ans. »
Après la rencontre, et malgré l’égalisation (1-1) de Batistuta dans la minute qui a suivi le changement, Marcelo Bielsa avait exprimé en conférence de presse son regret d’avoir fait ce choix osé. « Je me suis trompé en faisait rentrer ‘El Guly’ pour Ortega. Ça n’a pas été un succès car le jeu demandait un joueur avec les mêmes caractéristiques. Je pensais qu’avec Guglielminpietro, on aurait pu inquiéter les Néerlandais sur le côté droit comme l’avait fait Orteguita avec Zanetti. Mais ce changement a été une mauvaise décision », avait-il déclaré a posteriori.
Au-delà du changement difficile à avaler pour le milieu de terrain, ce dernier n’avait pas accepté d’avoir joué sur l’aile droite, lui qui aimait tant être face au jeu. Une position qu’il occupait également avec l’AC Milan. « Ça faisait cinq mois que je jouais à ce poste. Et dix jours avant le match, Bielsa m’avait fait joué à ce poste à l’entraînement mais je ne me sentais pas à l’aise. Je n’étais pas utilisé au mieux, explique-t-il aujourd’hui. Je ne parlais déjà pas beaucoup donc j’allais encore moins dire à Bielsa comment j’aimais jouer. » Trois mois plus tard, Guglielminpietro sera tout de même convoqué par le sélectionneur national pour figurer dans le groupe de la Copa América 1999.
20 ans plus tard, Tyler Roberts, lui, s’est montré plus compréhensif malgré la déception. Dominant à la pause (1-0), Leeds a été privé du cuir par West Brom en deuxième mi-temps alors que Roberts, tout juste entré en jeu et très bon dans la conservation du ballon, était censé asseoir la domination des Whites observée dans le premier acte. Ne disposant pas des automatismes défensifs pour faire face aux vagues successives des hommes de Slaven Bilić, Roberts a donc été prié de retrouver le banc (75e) compte tenu de la nouvelle physionomie de match. Une décision rare qui répondait à une situation exceptionnelle : pour la première fois sous l’ère Bielsa (64 matchs), Leeds a cédé le ballon à l’adversaire à Elland Road (48% de possession de balle, 32% en deuxième mi-temps). Sous l’Argentin, jamais le club n’avait complété aussi peu de passes (242).
Voici l’explication donnée par Marcelo Bielsa en conférence de presse :