En 2022, le championnat péruvien fêtera ses 100 ans d’existence. À cette occasion, la fédération nationale prépare une refonte de sa ligue afin d’accroître l’attractivité et la puissance de ses clubs.
Un football atypique
Vous l’avez sûrement constaté cet été lors de la Coupe du monde en Russie, la ferveur est ce qui caractérise le mieux le peuple du Pérou lorsqu’il s’agit de football. C’est une véritable marée rouge et blanche (les couleurs de l’équipe nationale, surnommée à ce titre la Blanquirroja) qui a déferlé sur Saransk, Ekaterinburg et Sotchi pour y défier respectivement le Danemark, la France et l’Australie. Mais si cette passion suinte à travers tous les pores de la vie péruvienne, ce n’est pas le cas du professionnalisme et de l’excellence en matière de football de club.
Historiquement, la structure du football péruvien n’est pas évidente à suivre. Jusqu’en 1965, seuls des clubs de la capitale, Lima, se disputent le championnat national. C’est à partir de cette date qu’est créé le Torneo Descentralizado de Fútbol, autrement dit le “championnat décentralisé”, en référence au fait que des équipes originaires de province y participent enfin. Si le format de la ligue professionnelle péruvienne a régulièrement changé au fil du temps, il a tout de même abouti, aujourd’hui, à un système unique en son genre et néanmoins peu subtil pour désigner un champion. Ce système, nous l’avons décrypté et tenté de le présenter de la manière la plus simple possible.
La plupart des autres pays, toutes confédérations confondues, disputent un titre national au terme d’un marathon de matchs en mode aller-retour. Il existe évidemment des variantes, comme le championnat écossais qui voit ses équipes se rencontrer trois fois avant d’entamer une phase de play-offs, ou celui des Etats-Unis divisé en conférences à la sauce NBA. Mais, globalement, l’idée reste la même : faire un classement sur des confrontations directes, puis désigner un vainqueur par séries éliminatoires ou en considérant simplement l’équipe terminant première. Au Pérou, c’est un peu plus compliqué. Le championnat domestique se déroule en 3 phases : Le tournoi d’été, le tournoi d’ouverture et le tournoi de fermeture.
Le tournoi d’été voit les 16 équipes de l’élite divisées en 2 poules et s’affronter en matchs aller-retour, à la suite duquel les deux leaders se disputent le premier sésame (là aussi selon la formule aller-retour) pour les demi-finales du championnat annuel. Après avoir remis les compteurs à zéro vient le tournoi d’ouverture, où chaque équipe affronte une seule fois les autres, pour offrir une deuxième place en demi-finale du championnat au vainqueur. Nouvelle remise à zéro, puis le tournoi de fermeture vient clore la saison régulière en proposant les mêmes matchs, en sens retour, pour un troisième billet qualificatif. Et ensuite ? La FPF génère un classement global des trois tournois, et donne la quatrième place de demi-finaliste au premier. Si celui-ci s’est déjà qualifié, pas de panique : il passe directement en finale. Il convient également de noter que les réserves jouent un championnat parallèle, dont le vainqueur offre 2 points supplémentaire à l’équipe pro, tandis que le dauphin donne 1 point. Ceci pour le classement global. Un peu fou, non ?
Refondre le système
Devant ce constat, et entre volonté d’engranger davantage de revenus et l’envie de porter plus haut les couleurs de ses protégés, la FPF s’est donc lancée dans une série de mesures visant à moderniser son activité, tout en la simplifiant. La première d’entre-elles a été de refonder le système de championnat actuel et de se synchroniser avec ses voisins, en organisant notamment un championnat à poule unique. Le vainqueur est ensuite désigné au terme d’une série de matchs aller-retour regroupés dans des tournois d’ouverture et de fermeture. De plus, la Liga MX (Mexique), mais aussi la Primera Liga (Espagne), ont été choisies comme terrain de jeu pour analyser leurs manières de fonctionner et prendre exemple. Un premier accord d’observation est d’ailleurs en préparation du côté de la FPF afin de formaliser tout cela et calquer les bons réflexes en matière de gestion d’une ligue.
Mais pour accroître la puissance des clubs péruviens, organiser une refonte du championnat ne suffit pas. La fédération a pour volonté d’être plus forte sur le terrain, mais aussi économiquement, et donc renforcer son assise financière. Car en l’état, il semble difficile pour les équipes péruviennes de monter en gamme sur la scène continentale. Un petit coup d’oeil aux meilleurs salaires sud-américains, listés par le média chilien 24horas, suffit pour s’en convaincre. Le joueur le mieux payé du championnat, Jorge Cazulo (Sporting Cristal), émarge à 30.000 USD par mois, là où le plus gros salaire au Brésil culmine à 280.000 USD (Paolo Guerrero, Flamengo), à 110.000 en Argentine (Fernando Gago, Boca), à 100.000 au Chili (Jorge Valdivia, Colo Colo) et au Paraguay (Óscar Cardozo, Libertad).
KPMG en renfort
Pour pallier à ce déficit, la FPF a eu l’idée de faire appel à KPMG, la célèbre firme internationale spécialisée dans l’audit et le conseil qu’ils soient juridiques, fiscaux, financiers et commerciaux. Son rôle sera notamment de superviser les ressources budgétaires de chaque club et de maintenir un certain équilibre administratif et financier. Les revenus générés par la fédération sont actuellement dérisoires, et avec l’arrivée d’un spécialiste de la gestion financière, celle-ci table sur un chiffre d’affaire de 120m$ US d’ici 2023, soit environ 100m€. C’est peu par rapport à la fédération des champions du monde (+230m€), mais remis dans le contexte sud-américain, cela lui permettrait de se positionner juste derrière la populaire CBF (Brésil) qui affiche 130 millions d’euros de chiffre d’affaires.
En outre, début 2018, KPMG a déjà réalisé un audit complet des clubs péruviens, afin d’identifier les erreurs de gestion, et de transmettre des outils et méthodes pour les gommer. En effet plusieurs pensionnaires de première division sont régulièrement frappés de sanctions en raison d’une gestion interne calamiteuse. Ce fut notamment le cas fin 2017 du Club Universitario de Deportes, célèbre formation de Lima, qui s’est vu interdit de recrutement durant 6 mois. Cela, la FPF n’en veut plus. Le mandat délivré à KPMG revêt donc une importance capitale, d’autant plus qu’une meilleure gestion permettra de remplir l’un des critères d’octroi d’une licence FIFA à l’ensemble des équipes du championnat national.
Tout va donc pour le mieux dans la meilleure des directions ? Pas si sûr, car le grain de sable venant rouiller cette belle mécanique vient directement de l’association sportive des footballeurs professionnels (ADFP). Celle-ci a en effet déclaré, via un communiqué, que l’intégralité des clubs de football de la Primera Division était contre la participation à cette nouvelle compétition en raison du fait qu’ils n’avaient pas été conviés à son organisation ni à son exécution. Et de menacer de fonder leur propre ligue si la FPF faisait la sourde oreille. Affaire à suivre…