« Le football est un art et l’art n’a pas de patrie ». Cette sublime citation issue de Football et formation : une certaine idée du jeu annonce d’entrée la tonalité de son ouvrage. Pendant plus d’une centaine de pages il s’agit de tirer le football vers le haut, d’en extraire la quintessence, pour ensuite proposer à destination de tous les éducateurs ou passionnés, une réflexion de haute volée sur l’état de notre football hexagonal. Analyse.
Disons-le d’entrée : ce livre est une aubaine pour tous les éducateurs exigeants partageant un idéal de jeu. Parce qu’un bon éducateur n’a pas de certitude mais que des convictions, tout dans ce livre permet de nourrir notre réflexion sur la vanité ou non de la quête vers le « beau jeu ». Pour Thierry Guillou le « beau jeu », tout du moins le football construit, réfléchi et respectueux du spectateur n’est pas une notion mirage. Contrairement aux certitudes des « pragmatiques », il est possible de définir cette expression et l’auteur s’évertue à utiliser des termes simples, pour éclairer des mots trop souvent galvaudés. L’entraîneur des U19 du FC Lorient fait par exemple la différence entre l’erreur et l’échec, explique que la vitesse est une notion qui dépasse la simple rapidité à la course : il est question de vitesse mentale, de vitesse gestuelle… Il permet donc à chaque éducateur qui fera l’effort d’ouvrir son esprit de progresser sur des points précis de pédagogie.
Après les définitions, il y a le constat, parfois amer, sur certaines lacunes de notre football hexagonal : quelques dirigeants de clubs n’ont pas de modèle de formation au-delà de la victoire à court terme, le football de rue tend à disparaître, les centres de formation sont trop nombreux et les éducateurs qui y vivent trop souvent carriéristes. La financiarisation excessive de notre football paralyse la progression de nos institutions et des jeunes qui s’y trouvent…
Pour autant, tout n’est pas noir dans notre football. Notons simplement le nombre de jeunes internationaux de qualité dans notre sélection aujourd’hui. Toutefois, en s’appuyant sur de nombreux maîtres à penser français (Arsène Wenger, Jean Claude Suaudeau, Jean-Marc Guillou, Christian Gourcuff, Raynald Denoueix etc…), sur d’innombrables citations brillantes, il montre que l’on peut exceller davantage dans la formation des jeunes ou tout du moins autrement. Rejetons une vision du football qui se réduit à « gagner des duels », sortons du conformisme, développons constamment dans nos exercices, jeux ou situations l’intelligence de jeu et l’intelligence émotionnelle, , arrêtons de dissocier la phase avec ballon et la phase sans ballon pour une raison simple : « de la qualité de la récupération dépend la qualité de l’attaque ». Tous ces principes sont déclinés, décortiqués pour le plus grand plaisir de l’éducateur qui en ressort grandi.
Au terme de cette lecture fascinante, enivrante, le constat est clair : Thierry Guillou n’est pas dogmatique et comme il le répète : « à l’image de la couverture du livre tout n’est pas noir, ou blanc », mais il prend position. La raison est limpide : « si vous n’œuvrez pas d’une manière ou d’une autre pour défendre un idéal, c’est que vous n’y croyez pas pleinement ! ».