La Grinta est allé faire un tour dans l’un des temples de la culture ultra européenne, tendance antifasciste. Pour la 3e journée de Liga, le Rayo Vallecano recevait le Deportivo La Corogne lundi pour un moment de fraternité en tribunes. Sur le terrain, en revanche, ce n’était pas la joie.
Dès la sortie du métro, les drapeaux de la République espagnole flottent au-dessus des stands où l’on vend des écharpes. Sur les murs, des graffitis anticapitalistes donnent eux aussi le ton et la couleur politique du quartier. Nous sommes à Vallecas, une banlieue ouvrière de Madrid, autour du Campo de Futbol de Vallecas, l’antre du Rayo Vallecano, cet ovni de la Liga.
Ce lundi soir, les Rayistas affrontent le Deportivo La Corogne pour clore la troisième journée de la Liga BBVA. Malgré les quelques cars de policiers qui entourent le stade, la rencontre est loin d’être classée à risque : les supporters des deux équipes sont copains comme cochons. D’ailleurs, deux jours avant, les ultras du Rayo – les Bukaneros, donc – et ceux du Deportivo – les Riazor Blues – se sont retrouvés pour jouer un match de « football vrai » entre supporters. Le but : fraterniser, mais surtout se soulever contre la LFP espagnole et ses horaires aberrants, comme ce Rayo-Deportivo qui se joue un lundi. Et empêche les supporters qui viennent de loin d’encourager leur équipe dans de bonnes conditions. Manière de rappeler que si ces groupes sont amis, c’est avant tout par leur militantisme de gauche revendiqué.
Le Depor est là
Il n’en demeure pas moins qu’à deux heures du coup d’envoi, les supporters du Depor à avoir fait le déplacement, même depuis la lointaine Galice, sont nombreux. Ils boivent des bières et poussent la chansonnette dans un bistrot juste à côté du stade, dans la joie, la bonne humeur, et sans essuyer la moindre vanne des supporters rayistas qui passent à côté. On voit même passer un homme habillé d’un maillot bleu et blanc – les couleurs du Deportivo – et coiffé d’un bob Bukaneros. C’est sûr : ce match sera un moment de fraternité en tribunes.
Dans le petit stade de Vallecas, la tribune visiteurs ne tarde pas à être pleine, et il n’est pas rare de voir des maillots bleus et blancs dans les autres tribunes. Ce soir, les joueurs de La Corogne joueront à domicile. D’autant que les ultras du Rayo ont entamé une grève des encouragements et des déplacements, pour protester contre la répression orchestrée par la LFP. Refrain connu…
Sur ce, monsieur l’arbitre lance le coup de sifflet, c’est parti. Dans la tribune des Bukaneros sont déployées deux banderoles, rendant un « vibrant hommage » à l’ancien président du club, le très peu gauchiste homme d’affaires José María Ruiz-Mateos, décédé la semaine précédente :
Les supporters du Depor, eux, reçoivent des applaudissement nourris. Sur le terrain, dès la sixième minute, Celso Borges du Deportivo s’arrache du marquage de Diego Llorente et ajuste, de la tête, Juan Carlos, le gardien du Rayo. 0-1. Explosion de joie dans la tribune visiteurs et un peu partout dans les gradins. Le vacarme assourdissant des Riazor Blues donne envie d’aller faire un tour en Galice. Quelques minutes plus tard, les locaux croient ouvrir le score, mais le juge de touche a levé son drapeau. L’égalisation se fait à la 26e, quand un moment de confusion dans la défense des Galiciens permet à Adrián Embarba de marquer. 1-1. C’est la teuf dans les tribunes. À peine le temps de s’intéresser à nouveau au jeu que la défense du Rayo prend l’eau et ne parvient pas à dégager un ballon dans sa surface. Luis Alberto récupère la gonfle, ajuste son tir et permet à son équipe de reprendre l’avantage. 1-2 et à nouveau, exultation des supporters visiteurs.
La pression retombe pour la fin de la première mi-temps, et le score en reste là, tandis que résonnent les « Depor ! Depor ! » chantés sur tous les airs et à toutes les sauces.
Débandade Rayista
À l’heure de jeu, les premiers sifflets commencent à se faire entendre. On s’emmerde, et les joueurs rayistas, qui déjouent, semblent loin de pouvoir égaliser. Quand une mauvaise relance au milieu de terrain est interceptée par Luis Alberto, qui file droit au but et tue le match. 1-3. Ça pue grave pour les locaux. Sans compter que quelques minutes plus tard, c’est Antonio Amaya du Rayo qui perd à nouveau le ballon dans son camp. Il s’en faut de peu pour que les visiteurs n’aggravent pas encore le score. Les sifflets fusent de partout face à une équipe dont la défense présente de sérieux problèmes.
Pour ne rien arranger, à la 76e, Patrick Ebert du Rayo perd ses nerfs et prend un carton rouge. Il sort sous les applaudissements ironiques d’un public qui a pris le parti d’en rire. Jaune, mais d’en rire quand même.
Comme souvent dans ce genre de matchs, la fin de la rencontre approchant, le match meurt à petit feu, les locaux s’étant résignés à une défaite logique. Mais les tribunes réussissent à le réveiller une dernière fois, dans un élan de fraternité. À quelques minutes du terme, les Riazor Blues se mettent à scander un « Rayoooo, Rayoooo » sous les applaudissements des tribunes du Campo. Et passent la seconde avec un sonore « BUKANEROS SIEMPRE PRESENTES » (Bukaneros toujours présents) qui fait sortir le virage de sa grève des cordes vocales. Les chants fraternels se poursuivent jusqu’après le coup de sifflet final. Dans cette scène surréaliste, les ultras du Depor n’ont pas le cœur à fêter leur victoire. Ils préfèrent redonner foi à leur adversaire du soir en chantant « Rayito, Rayito, el único equipo de Madrid » (Rayito, la seule équipe de Madrid). Il leur faudra bien ça, aux Rayistas, pour oublier que ce soir, leur équipe est relégable. Et qu’en tribunes comme sur le terrain, pour ceux qui ne s’appellent ni Real ni Atlético, la saison va être dure.