Alors que Montpellier recevait le Paris Saint-Germain ce vendredi soir (0-1), un habituel arrêté préfectoral interdisait la présence de supporters parisiens en dehors du parcage officiel. En vain, la popularité du club et l’impossibilité d’acheter ces billets pour certains ont contribué à mélanger des fans du PSG parmi les Héraultais. C’est le cas d’Anwar, qui a vu ses billets déchirés avant d’être éconduit. Sur simple reconnaissance faciale et au seul motif d’être recensé comme « contestataire » (mais pas interdit de stade), alors que la liste noire du club est censée être interdite. Témoignage.
L’image des billets déchirés (voir photo) fait le tour des réseaux sociaux. Que s’est-il passé ?
Anwar : Je suis arrivé en Tribune Minervois. J’étais avec des potes qui étaient de la région de Montpellier et qui n’ont rien à voir avec le monde ultra. J’ai passé la fouille avec succès. Juste après la fouille, il y avait des mecs du service du stade qui attendaient et prenaient des photos. J’ai avancé 3 mètres et tout de suite ils m’ont appelé, ils sont venus me voir et m’ont dit : « Bonjour Monsieur S., vous me suivez » . Et à partir de là, ils m’ont demandé pièce d’identité etc. Ils ne l’ont même pas regardé parce qu’ils savaient très bien qui j’étais, ils connaissent les noms. On m’a dit : « Vous n’avez pas à être là, vous connaissez aussi bien que moi l’arrêté préfectoral. Vous allez être reconduit à la sortie ». J’ai essayé de demandé des explications. Ils me répondent : « Vous savez très bien que vous allez soit en parcage officiel soit vous n’allez pas au stade ». Mais quand je suis en parcage officiel, le PSG m’annule ma place, dans ce cas-là on fait comment ? Ils m’ont dit : « Dans ce cas-là, vu que le PSG annule des places, il ne faut pas venir au stade tout court ».
Avais-tu un signe distinctif pouvant t’identifier en tant que supporter du Paris Saint-Germain ?
Anwar : Pas du tout. J’étais venu un week-end sur Montpellier, pas au nom d’un groupe ou quoi que ce soit. J’étais venu juste en touriste. Ils m’ont reconnu au faciès, je n’avais aucun maillot. Rien du tout.
Qui t’a reconnu ?
Anwar : Les mecs du stade à Paris, les Renseignements généraux. Ceux qui sont là à tous les matchs, c’est eux qui font les auditions et qui font les interdictions de stade et administratives. Ils connaissent les dossiers par coeur.
Tu avais publié des vidéos qui ont tourné sur le web de policiers en train de te prendre en photo à Charléty. C’est pour cette raison que tu es reconnu, que tu es fiché ?
Anwar : Voilà, exactement. C’est à ce moment-là l’élément déclencheur du fichage. Une fois qu’ils ont pris la photo et l’identité, je suis dans le fichier STADE (suspendu par le Conseil D’État en théorie, ndlr) et ils connaissent les noms. Une fois que t’es black-listé.
Le PSG avait un mois (à partir de juin) pour supprimer cette liste noire. Visiblement ce n’est pas le cas…
Anwar : Officiellement, ils l’ont fait. Officieusement, elle a toujours existé et elle existe toujours…
Du coup, tu as obtempéré ?
Anwar : J’ai demandé mais ça sert à rien de forcer parce qu’il suffit que tu pètes un plomb pour qu’ils te remettent quelque chose derrière. J’ai laissé couler. En sortant, j’ai demandé à récupérer mon billet. En guise de preuve, si jamais on veut porter plainte, et il n’a pas voulu me le rendre. Ils m’ont escorté dehors. Une fois arrivé dehors, il y avait le steward qui garde l’entrée de la tribune. Les policiers lui ont dit : « Si jamais il tente de ré-accéder à la tribune, vous ne le laissez pas rentrer parce qu’il est interdit de stade ». Et là ça m’a énervé, je me suis retourné, j’ai lancé : « Comment ça, je suis interdit de stade ? Je n’ai aucune procédure contre moi ». Au bout de 10 minutes, j’ai discuté avec le steward. Je lui ai demandé si je pouvais juste récupérer ma place que je puisse au moins aller porter plainte. Il a été cool, il est reparti voir les policiers et leur a demandé la place. Il est revenu avec ma place déchirée en plusieurs morceaux. Et là, il m’a expliqué que le commissaire de police l’a prise, l’a déchiré et lui a dit : « Allez, va lui rendre la place ».
Tu envisages de donner une suite juridique à cette affaire ?
Anwar : Je fais partie de l’ADAJIS (Association de Défense et d’Assistance Juridique des Intérêts des Supporters) justement. On a des avocats, je vais en parler aux responsables de l’association. On a eu l’avocat Pierre Barthélemy par messages qui nous a expliqué qu’il fallait porter plainte à la gendarmerie directement. On va voir ce qu’on fait, soit on les attaque soit on porte plainte. Je ne sais pas comment ça va se passer.
Tu avais fait des concessions pour aller au stade ?
Anwar : J’ai posé un jour de congé, sachant que j’ai débuté ce travail il y a quelques mois donc j’ai du prendre un anticipé. J’ai aussi pris des billets de train à la dernière minute donc j’ai payé 120 euros aller-retour. Sans parler de l’hébergement, etc.
Et cela ne te dégoûte pas pour les prochains déplacements ?
Si mais quand j’ai pris mon congé et mes billets de train, je partais du principe que je ne rentrerai pas dans le stade. C’est tellement devenu une habitude que mieux vaut partir du principe qu’on ne rentrera pas et que si on rentre, c’est bonne surprise. Mais cela ne me démotive pas, au contraire, cela me donne envie de continuer en espérant que le club soit sanctionné pour ses agissements illégaux.
Propos recueillis par Adrien Verrecchia
Un enfant auquel il a été demandé de retourner son maillot du PSG. (DR)
D’après nos éléments, suite au grand nombre de supporters parisiens présents hors parcage officiel, le traitement qui leur a été réservé était aléatoire. Tous n’ont pas été aussi malchanceux qu’Anwar. Plusieurs d’entre eux se sont cependant vus obligés de retourner leurs maillots, enfants compris (voir photo). D’autres encore ont été redirigés dès leur sortie du tramway par les CRS en parcage officiel dans une « ambiance cordiale ». À noter qu’aucun groupe ultra n’était présent.
A.V. avec Ophélie F. à Montpellier