Edoardo Garrone, fils de l’emblématique Riccardo Garrone, quittait la présidence de la Sampdoria le 12 juin 2014 après une décennie de dynastie familiale. C’est l’entrepreneur romain méconnu Massimo Ferrero qui reprend les rênes du club, non sans une appréhension générale voire un accueil assez froid. Sa personnalité extravagante contraste avec la discrétion de la famille Garrone. Véritable tour de force de l’an I de l’ère Ferrero, il a su se faire accepter de bon nombre de tifosi. Chose loin d’être gagnée d’avance.
Il faut se souvenir dans quel contexte débarque Massimo Ferrero à Gênes l’an dernier. Edoardo Garrone quitte son rôle de président, marqué par la mort de son père Riccardo survenue en janvier 2013 comme tous les amoureux de la Samp. L’homme de 76 ans s’était éteint d’une longue maladie après avoir repris les Blucerchiati au bord de la faillite en Serie B en 2002 pour en faire un prétendant régulier et crédible à l’Europe. Passer derrière un tel personnage aussi apprécié, même si parfois décrié pour sa rigueur budgétaire sur les transferts, n’avait rien d’évident. Surtout lorsque le successeur n’a aucune expérience dans le football (excepté un sponsoring à la Roma), est « étranger », et romanista déclaré. Tout oppose le côté « bon père de famille » de Riccardo Garrone au producteur cinématographique exubérant posant aux côtés de ses « amis » Sylvester Stallone et consort sur Twitter.
La méfiance est de mise. L’homme de 62 ans possède une soixantaine de salles de ciné mais compte aussi à son actif une faillite en 2010 jugée frauduleuse d’une compagnie d’avions charters. Comme si cela ne suffisait pas, Ferrero effectue dès son intronisation sa première déclaration houleuse : « La première chose que je vais faire à la Sampdoria est de changer l’hymne qui est nul, pas comme celui de La Magica qui est l’une des plus belles choses à Rome ». Pas le meilleur moyen de se mettre les supporters en poche. Ajoutez à cela un premier mercato sans folie et plutôt moyen pour que les critiques pleuvent. Pourtant, la folie, le nouveau président n’en manque pas tout comme les punchlines. Les Italiens le découvrent avant même le début du championnat. Lors de l’élection du président de la fédération début août, il balance sur l’omniprésence de son homologue de la Lazio à Sky : « Si Claudio Lotito est à un enterrement, il veut faire le mort. S’il est à un mariage, il veut faire l’époux ». Le ton est donné.
Le show Ferrero
Très vite, Massimo Ferrero devient le client préféré des médias. Ferrero n’échappe pas à la mode de l’Ice Bucket Challenge. Les réseaux sociaux le consacrent, lorsque fin août il déclare sa flamme à Ilaria D’Amico la belle présentatrice sur Sky Italia en couple avec Gigi Buffon. En interview d’après-match, il lui lance soudainement : « Tu es la femme du football mais quand tu vas faire l’actrice, on te fera faire un grand film ». Ce béguin pour la journaliste devient dès lors un running gag dont « viperetta » (la petite vipère) en joue. Le transfuge du cinéma confiait à son arrivée : « J’ai une culture cinématographique. Je viens d’un milieu spectaculaire. Je fais de la fiction. Je veux un football-spectacle, passionnel, j’ai l’envie de gagner et de ressentir des émotions ».
Massimo Ferrero apporte une notion au football italien qu’il avait perdu : celle du divertissement. Un comble au pays de la commedia dell’arte. Il n’en rate pas une dès qu’un micro se tend, voire se l’accapare si l’homme au bord du terrain tente de rendre l’antenne. Ce qui donne souvent lieu à des scènes hilarantes. Parmi ses grands classiques figurent à chaque intervention : « Je veux saluer la D’Amico », qui ne sait d’ailleurs plus où se mettre lorsqu’il lui annonce « qu’elle est belle comme le soleil ». Ses célébrations de buts et de victoires déjantées contribuent aussi à rehausser sa cote de popularité. Cependant comme tout grand parleur, la langue de Ferrero fourche parfois. « J’ai dit à Moratti de virer ce Philippin », affirme-t-il à la Rai fin octobre en référence au nouveau patron de l’Inter qui est en réalité indonésien. Un dérapage qui lui vaut 3 mois de suspension. Il ne s’agit que d’un répit.
Un début d’année féerique
À mi-saison la Sampdoria, comme son rival du Genoa, réalise un superbe parcours qui laisse miroiter un retour en Coupe d’Europe. Et c’est bien sur le rectangle vert que Ferrero entend faire rêver les tifosi. Le mercato d’hiver blucerchiato amène du lourd avec un certain Samuel Eto’o et le Colombien Luis Muriel, dont le talent est indéniable malgré les blessures. Sans oublier la pépite Joaquin Correa en provenance d’Estudiantes contre 8 millions d’euros plus bonus. Les supporters peuvent enfin être satisfaits d’une période de transferts.
En dehors du terrain, Ferrero séduit aussi les ultras – les plus hostiles à sa venue – de part son engagement à faciliter leurs déplacements même sans tessera del tifoso. Les forces de l’ordre également ont été conquises lorsqu’il a payé les frais médicaux de trois policiers blessés (à leur charge même pendant leur service) par des Sampdoriani après le match contre Palerme. Malgré une rechute : « Quand je suis allé à Londres cet été, j’ai pris Eto’o pour un serveur », le Romain de naissance n’en finit plus d’amuser la galerie à mesure que le verdict du championnat approche.
Même la chance lui sourit lorsque le voisin génois, privé de licence UEFA, lui offre sur un plateau la dernière place en Europa League. Hasard du calendrier, le nouvel entraîneur Walter Zenga et ex-légende de l’Inter a été présenté lors ce cet anniversaire. Dans la biographie qui lui est consacrée sortie en début de semaine Una vita al massimo, Ferrero clame : « En tant que gardien c’était une pire, mais c’est un grand entraîneur ». Preuve qu’il ne changera jamais.