Cinq ans après sa dernière faillite, la Salernitana retrouvera la Serie B la saison prochaine. Le controversé Claudio Lotito, également propriétaire de la Lazio, a eu un rôle majeur dans le renouveau du club de la ville de Salerne, à 45 minutes au sud de Naples. Tout comme la fameuse Curva Sud Siberiano dont la ferveur ferait pâlir certaines équipes de Serie A.
Salernitana-Barletta. Après 90 minutes et des poussières, l’arbitre siffle la fin de la rencontre qui clôture la victoire des Salernitani (3-1). Le stade Arechi explose. À deux journées de la fin, les Granata sont certains de finir en tête de Lega Pro, synonyme de montée directe en Serie B. La Curva Sud Siberiano (virage sud) est en feu. Comme souvent, elle est pleine à craquer. L’affluence de la rencontre : 19800 spectateurs, digne d’un Bordeaux-Metz ou d’un Rennes-Nice.
Des années de galère, Lotito en sauveur, et le retour en grâce
5 ans après sa deuxième mise en faillite (après celle de 2005), l’US Salernitana 1919 retrouve la Serie B. Il fallait pourtant voir dans quel état était le club pour son premier match en Serie D ce 4 septembre 2011 contre Taranto. Des « horribles » couleurs blaugrana, un nouveau nom (Salerno Calcio) et 4000 « pauvres » spectateurs. Claudio Lotito, le propriétaire controversé de la Lazio, et Marco Mezzaroma débarquent à la tête de la Salernitana qui retrouve son identité historique en juillet 2012.
En attendant de jours meilleurs, les tifosi comme souvent dans ces cas-là se remémorent les joies passées. Certes, les Granata n’ont connu que deux saisons en Serie A dans son histoire centenaire (avec deux titres de Serie B). Mais ont vu passer quelques joueurs de renom tels Gennaro Gattuso, Marco Di Vaio, Mark Iuliano, Rigobert Song, Walter Zenga, Agostino Di Bartolomei entre autres. L’an dernier, ce club avait aussi été associé au « derby de la honte » contre la Nocerina.
Heureusement, le duo Lotito-Mezzaroma est ambitieux et s’en donne les moyens. La Salernitana entame sa renaissance par deux promotions successives, de la 5e à la 3e division avec en prime deux Coupes. Les Salernitani loupent de peu la promotion en Serie B, lors de la saison 2013-2014. Ce n’est que partie remise. Après sa victoire sur Barletta le week-end dernier, le club grenat finit donc premier de la poule sud de Lega Pro et compte 79 points à deux journées de la fin.
Une ambiance qui a dépassé les frontières d’Italie
En conférence de presse, Claudio Lotito annonçait « Je tiens tout particulièrement à remercier les supporters, qui seront sans aucun doute nombreux pour célébrer le titre lors de la dernière journée ». Le conseiller fédéral du président Tavecchio n’a pas toujours eu le bon mot pour ces derniers, récoltant même des crachats, mais mesure leur importance lors du sprint final. L’entrepreneur s’offrira même un tour d’honneur sous les applaudissements à l’Arechi, chose impensable il y a encore quelques semaines. Salerne, 120000 habitants, respire le football. Comment en pouvait-il être autrement dans un bassin géographique englobant des bastions centro-sudistes du tifo organizzato tels Naples, Cava de’ Tirreni (Cavese), Avellino, Castellammare di Stabia (Juve Stabia), Torre Annunziata (Savoia), Torre del Greco (Turris), et autres Caserta (Casertana) ?
Pas étonnant donc que la Curva Sud Siberiano est l’une des plus créatives d’Italie, des plus chaudes mais aussi détestées. Siberiano, de son vrai nom Carmine Rinaldi, était d’ailleurs une figure locale du mouvement ultra qui s’est éteinte à 46 ans en 2010 récoltant son surnom (sibérien) de son habitude à porter des manches courtes par tout temps. Et n’hésitant pas à défendre sa ville avec ses poings. Son héritage est désormais connu à travers le monde par le biais de vidéos et photos régulièrement partagées par des amoureux des tribunes. Tifos, chants, Salerno a su souvent imposer son style parfois copié.
« Jamm’ a vrè » (allons voir, en dialecte), sur l’air de “nosotro no somo Boca ni River” emprunté à San Lorenzo, est devenu un classique dont la vidéo (voir ci-dessous) totalise 300 000 vues ! Les paroles expliquent la passion démesurée pour une équipe de ce standing : « Je ne supporte par les gros clubs, je te supporte toi, Granata est une maladie et non une couleur, le maillot que tu portes sur le dos est une obsession, avec le couteau entre les dents lutte avec le cœur, si sur le terrain tu poses tes c… tu es déjà un champion ». À part quelques amitiés (Reggio Calabria, Bari et Brescia), les Granata sont surtout haïs (Napoli, Avellino, Taranto, Nocerina, Juve Stabia, etc.) et régulièrement affublés du sobriquet « salernicani » (salernichiens).
Dimanche soir, après la victoire contre Barletta, l’air du Bella Ciao résonne dans toute la ville. Les joueurs viennent en centre ville saluer leurs fans depuis leur car. La fête est énorme, les Salernitani sont venus par milliers. Dans la foule, des femmes, des enfants, et aussi des vieillards. Preuve que c’est bel et bien tout Salerne qui vibre lorsque sa Salernitana joue.
Avec Matthieu Agosta