La fameuse Curva Nord de la Lazio a de tout temps été controversée, notamment pour ses accointances avec l’extrême droite. Le noyau dur des supporters biancocelesti en est même l’un des plus détestés d’Italie et s’est taillé une réputation sulfureuse y compris du grand public et à l’étranger. Notamment via plusieurs banderoles qui restent dans la mémoire collective dont celle du 30 janvier 2000, en hommage à un criminel de guerre serbe.
« La SS Lazio porte bien son nom », raillent depuis des décennies ses détracteurs. Surtout pour son virage nord réputé pour avoir brandi croix celtiques et croix gammées. Pourtant accuser tous les tifosi biancocelesti de nazillons est aussi inexact que de résumer la tribune Boulogne du PSG à des « fachos ». La plus ancienne équipe de Rome, c’est surtout son président illustre Sergio Cragnotti, l’entraîneur suédois Sven-Göran Eriksson et plusieurs joueurs de renom (Roberto Mancini, Pavel Nedved, Diego Simeone, Alessandro Nesta etc.) qui ramèneront son second Scudetto en 2000. Cependant quelques mois plus tôt, le 30 janvier de la même année lors d’un match à domicile contre Bari, la suite de l’histoire aurait pu s’écrire autrement.La Lazio l’emporte 3-1, pourtant toute l’attention est focalisée sur l’apparition en Curva Nord d’une banderole.
« Honneur au Tigre Arkan ». Un simple message comportant 4 mots qui a semé le trouble au sein de l’équipe laziale alors composée de deux Serbes (Siniša Mihajlović et Dejan Stanković) et d’un Croate (Alen Bokšić). Les Aquilotti forment à cette époque une sorte de laboratoire politique en regroupant des représentants des deux pays alors que la guerre de Croatie n’a cessé que 5 ans plus tôt. La référence est claire : « Arkan » est le surnom de Željko Ražnatović, un criminel de guerre serbe accusé de génocide et de crime contre l’humanité. Quant aux « Tigres d’Arkan », il s’agissait du nom de la milice des volontaires serbes dont il était le chef. Ražnatović entretenait des liens étroits avec le football : il recrutait ses hommes lors des matchs de l’Etoile Rouge de Belgrade et est deviendra par la suite président du club Obilic de la même ville. Ce soutien n’est pas anodin, Arkan a été assassiné 15 jours plus tôt, avant le déroulement de son procès.
Les démons de la guerre d’indépendance croate
Dans un pays où la presse tire déjà des conclusions hâtives, Siniša Mihajlović est vite désigné comme étant le cerveau de cette action en raison de ses liens avec Željko Ražnatović. Surtout que le défenseur ne fait rien pour calmer la polémique. « C’était mon ami, il était le chef des ultras (Delije, ndlr) de l’Etoile Rouge. Moi, les amis je ne les renie pas », avait lancé l’actuel entraîneur de la Sampdoria. A contrario, l’ancien Marseillais Alen Bokšić, qui n’est pas entré en jeu ce jour-là, exprime son incompréhension : « Je me sens mal, très mal. Je suis amer et déçu parce que ce message vient des supporters de mon équipe. Ils ont rendu hommage à celui que le monde entier considère être un criminel de guerre. Vraiment, ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils font ».
Heureusement pour la Lazio qui est en route pour la gloire, cet incident n’affecte pas les relations dans le vestiaire. « Avec Siniša, nous avons parlé de sa nécrologie, mais Arkan était pour lui un ami et peut-être que j’aurais fait la même chose », affirme l’attaquant croate. Toutefois comme souvent dans ce genre de tapage médiatique, la fameuse récupération politique s’invite. La ministre de la Culture en place Giovanna Melandri demande la suspension du match en cas de banderole offensante, la petite-fille Mussolini applaudit les tifosi responsables. Même à Domenica In, émission populaire du dimanche sur la Rai, le débat fait rage et Vittorio Sgarbi (parlementaire de droite) défend « la liberté d’expression » le dimanche suivant.
Par bonheur, personne n’interdira le même jour aux supporters du Torino (opposé à la Lazio) de sortir cette banderole : « Honneur à Grosminet ». L’une des réponses les plus ironiques de l’histoire des tribunes, la fameuse goliardia (goliardise). Là aussi, le soutien était limpide à un criminel de guerre, raciste des canaris et des vieilles dames. De son côté la Lazio, nonobstant cet épisode marquant, fête finalement au terme de la saison son centenaire de la plus belle des manières.
Article intéressant. Un détail, « Arkan » était un des chefs de Delije de l’Etoile Rouge et il est devenu Président du club Obilic après les guerres de Yougoslavie.