Le BVB de Jürgen Klopp a créé la première sensation tactique de la Ligue des champions en étouffant totalement Arsenal par un pressing intense. Si le score n’a rien d’extraordinaire, le contenu du match révèle une domination totale des Borussen.
Les années Barça–Real et le contraste tactique qu’elles ont incarné nous ont souvent fait voir le foot à travers deux approches : proactive et réactive. Possession contre contre-attaque. Horizontalité contre verticalité. Productivité contre béton.
20e sur 32 au classement de la possession l’an dernier en Ligue des champions (46,6% en moyenne), le Borussia est incontestablement à classer parmi les équipes proactives. Non-pas par la manière dont il utilise le ballon : percutante et verticale, mais par la manière dont il va à sa conquête, grâce à son pressing.
Abeilles tueuses
C’est le premier gros coup tactique de la saison au niveau européen : les 5 premières minutes dantesques que les hommes d’Arsène Wenger ont vécu dans le Westfalenstadion. Dès que le ballon fut perdu – ou juste disputé, le 4-4-2 à plat de Jürgen Klopp s’est transformé en un nuage d’abeilles tueuses, ne laissant aucun répit au porteur du ballon.
Derrière Immobile et Aubameyang, le duo Kehl–Bender ne défend qu’en avançant. Pour Wilshere, Arteta et Ramsey : la mission est impossible et le ballon très vite rendu, alors que les 2 attaquants se joignent à leurs milieux récupérateurs pour étouffer le cœur du jeu londonien.
Sur les côtés, le cahiers des charges des latéraux est le même. Schmelzer est toujours à la hauteur de ses milieux de terrain. Si le latéral allemand est aussi haut, c’est parce que celui dont il occupe la zone, Grosskreutz, est 10 mètres plus loin, et qu’il a déjà entrepris de pourrir la relance adverse, la rendant précipitée et imprécise.
Forcément, avec une telle agressivité dans un système à plat (sans sentinelle devant la défense), le pressing est parfois cassé par les Gunners. C’est d’ailleurs peut-être le point faible de cette approche kamikaze.
Mais même lorsque les Borussen se replient, ils pressent. Si bien que lorsqu’Arsenal repasse à l’attaque placée (voir vidéo ci-dessous), il ne faut pas attendre longtemps avant que le ballon soit perdu. Par manque de justesse technique, mais surtout par l’effet de ce qu’on pourrait appeler de la panique, après deux minutes à être chassé jusqu’à son but, entre un mur jaune et une marée de joueurs affamés.
Illustration dès la 5e minute : Welbeck est envoyé au casse-pipe par un Koscielny coincé entre Aubameyang, Bender, Kehl et Grosskreutz. L’attaquant anglais parvient à se retourner et à jouer sur Alexis. Théoriquement, Arsenal a cassé le pressing du BVB. Mais lorsque les Londoniens veulent recommencer à construire, il faut seulement quelques passes pour que leur possession se fragilise. Arteta glisse sur la passe en retrait de Wilshere, et le 3 contre 3 qui suit aurait déjà dû provoquer un penalty. Etre menés après 5 minutes d’un tel bouillon n’aurait été qu’une conséquence logique pour les hommes de Wenger.
Heavy Metal
Dortmund attaque vite dans la profondeur plus que lentement sur la largeur, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’occupation et de surnombre dans le jeu offensif. Quand une première vague jaune déferle sur le but de Szczesny, le centre est péniblement renvoyé par la défense centrale. A ce moment-là, les quatre défenseurs du BVB sont concernés par les seconds ballons et si le Borussia en perd la maîtrise, le pressing se déclenche à nouveau.
Pressing -> récupération -> attaque rapide -> deuxième lame offensive -> pressing : le cercle vertueux du football selon Jürgen Klopp.
Pour autant les Borussen ne manquent pas de variation dans leur jeu d’attaque, et savent impliquer les joueurs de couloir dans des mouvements plus posés, une fois que le bloc adverse a choisi de reculer, menacé par tant de verticalité, et vaincu dans l’agressivité au milieu. Le BVB aurait pu marquer sur des mouvements portés par Schmelzer et Durm, sans quelques miracles de Szczesny.
L’an dernier, Arsenal et Dortmund s’étaient déjà croisés en poule de Ligue des champions. L’occasion pour l’entraîneur allemand de rendre hommage à sa façon au travail et à la longévité d’Arsène Wenger : « Je l’aime beaucoup, pour moi il est « Sir Arsène Wenger », il est très classe, très gentil. Mais nous sommes différents : il aime avoir le ballon, jouer un football de passes. C’est du violon, de la musique classique. Son équipe est comme un orchestre. Moi, je préfère le heavy metal. »
Eloge du « Gegenpressing »
C’est probablement cette différence d’approche qui a fait la supériorité du BVB sur ce match. Agressivité et verticalité en maître-mot. Transition défensive ultra-agressive et jeu offensif tranchant. Grâce à cette approche, le BVB n’a jamais été mis en danger et a fini la rencontre avec 15 tirs à 2.
Littéralement « Gegenpressing » signifie contre-pressing. Aucune catégorie du jeu ne saurait mieux définir le football du BVB de Jürgen Klopp. Contre-attaquer tout en pressant. Harceler le porteur du ballon, et basculer sur un hard-football dès la récupération en utilisant l’espace sans fioriture, grâce à une supériorité qui n’est pas que tactique, mais également athlétique.