Le 18 juillet 1999, Rubén Alejandro Bernuncio, ex-joueur de San Lorenzo et international argentin, a été victime d’une infection rénale et est décédé à seulement 23 ans dans la clinique du quartier qui abrite le club de l’Argentinos Juniors où il a aussi évolué brièvement. Considéré à l’époque comme un grand espoir du football en Argentine, était devenu tétraplégique suite à un accident de moto et aura lutté près de trois ans avant de trouver la mort. Un drame qui a ému tout un pays.
L’histoire de Rubén Alejandro Bernuncio commence prématurément en 1992 sous le maillot de San Lorenzo. Il n’a alors que 16 ans et est déjà lancé dans le grand bain des professionnels sous le maillot du Ciclon lors du tournoi d’ouverture 1992. Benuncio n’a pas connu la période glorieuse de San Lorenzo ni la terre sainte du Boedo, il débarque dans un club qui dix ans plus tôt fut la risée de tout le pays avec une descente en deuxième division (C’est le premier des « cinq grands » d’Argentine avec Boca Juniors, River Plate, le Racing et Independiente, à connaitre la relégation). Privée de titre depuis 1983, l’institution si chère au pape François sort d’un tournoi de clôture 1992 catastrophique en terminant 19 ème du classement avec seulement 12 points au compteur. San Lorenzo décide alors de miser sur ses jeunes pour retrouver son glorieux passé et cela tombe bien, un gamin de 16 ans, un certain Rubén Bernuncio, fait partie du centre du formation et s’avère très prometteur. Il revient de la Coupe du monde des moins de 17 ans 1991 en Italie où il évoluait sous les ordres d’un certain Jose Pekerman, actuel sélectionneur de la Colombie, et aux côtés de joueurs comme Marcelo Gallardo ou encore Juan Sebastián Verón. L’Argentine terminera troisième de la compétition éliminée par l’Espagne en demi-finale. De retour à Buenos Aires, Ruben a la confiance totale de Héctor Veira, nouveau venu à Bajo Flores (quartier où se situe le stade, le Nuevo Gasometro) après quatre changements d’entraîneurs en une seule saison ! Lors du Tournoi d’ouverture 1992, Ruben enchaîne les dix huit matchs en tant que titulaire.
Puissant, provocateur balle au pied mais aussi très adroit dans le dernier geste, ses performances seront en partie la grande cause du renouveau de San Lorenzo. Délivrant caviar sur caviar à Alberto Acosta, qui terminera meilleur buteur du championnat avec douze unités, il emmène avec cette bande de jeunes le club azulgrana sur la troisième marche du podium de cette phase aller qui sera remportée par le Boca Juniors d’Oscar Tabarez. Un petit miracle. Rubén est à ce moment-là considéré comme une pépite mais une décision aussi surprenante qu’étrange va le conduire la saison suivante en… Corée du Sud dans le club de Daewoo Royals, qui porte aujourd’hui le nom de Busan Ipark. En 1993, personne ne comprend ce choix mais Rubén ne s’enterre pas. Au contraire, il finira meilleur passeur du championnat sud-coréen et raflera même la Coupe de la Ligue locale sous ses nouvelles couleurs. Mais l’Argentine, sa famille, et ses amis finissent par lui manquer. En 1994, il décide donc de rentrer au pays et se laisse séduire par le nouveau projet du Textil Mandiyú, ce club basé à Corrientes dans le nord-est et qui vient d’être racheté par un membre du Parlement argentin, Roberto Navarro. Cet homme politique ambitieux a déboursé deux millions de dollars pour en devenir le propriétaire. Il embarque dans son projet assez fou le gardien de la sélection Argentine Sergio Goycochea et offre à Diego Armando Maradona son premier poste en tant qu’entraîneur ! Bernuncio passera donc la saison 1994-1995 sous les ordres de « El D10S ».
Mais même avec la confiance du légendaire ex-numéro 10 (25 matchs en tant que titulaire et 4 buts inscrits), le Textil Mandiyu végète dans les profondeurs du classement terminant 19 ème lors du Tournoi d’ouverture 1994 et 18 ème lors de la phase retour en 1995. Ce qui lui vaudra une relégation en deuxième division. Fin du rêve pour Rubén et effondrement total du projet pharaonique mené par Navarro avec Maradona en tant que coach qui, pour la petite anecdote, fera tout de même beaucoup mieux avec le Racing lors de Tournoi d’ouverture suivant en terminant second du championnat. Rubén opte lui pour un retour à Buenos Aires à l’Argentinos Juniors, un club réputé pour la qualité de son centre de formation qui a sorti Maradona et Riquelme entre autres. À la Paternal, Bernuncio joue aux côtés d’un certain Juan Pablo Sorin lors du championnat aller en 1995 mais son irrégularité commence à le trahir et il inscrit seulement deux buts en huit apparitions, ce qui lui vaut de ne pas être appelé par Jose Pekerman, qu’il connait pourtant très bien, pour le Mondial des moins de 20 ans a lieu au Qatar la même année. Il verra donc devant sa télé l’Argentine triompher et son ami Juan Pablo Sorin soulever le trophée. Il confira quelques jours plus tard dans une interview accordée pour Olé que ce fut « la plus grande frustration de sa carrière ».
Le jour où tout a basculé
Après cette déception, Rubén retourne dans son club de toujours, en 1996 avec la ferme intention d’enfin décoller. Cette année-là, « El Ciclon« , dispute aussi la Copa Libertadores ce qui laisse une belle perspective de temps de jeu pour Bernuncio. Une chance qu’il saisit très rapidement, aussi rapide et incisif à la pointe de l’attaque que lors de ses débuts, Rubén retrouve ses sensations sur le terrain sous le maillot de San Lorenzo en inscrivant un but extrêmement important face au Caracas FC en Copa Libertadores et une semaine plus tard en championnat face aux Newell’s Old Boys. Ce renouveau lui vaudra même une convocation avec l’Albiceleste en moins de 20 ans. Alors que tout semble aller pour le mieux, une frasque viendra ternir l’image de Bernuncio. Il circulait dans les rues de Buenos Aires à bord de son véhicule en compagnie de sa petite amie lorsque la police l’arrête pour un simple contrôle. Une enveloppe contenant trois grammes de cocaïne est trouvée à l’intérieur de sa voiture. S’en suit une longue procédure judiciaire qui l’éloignera quelques temps des terrains.
Mais sa vie va réellement basculer plusieurs mois plus tard, le soir du 23 novembre 1996. Rubén Bernuncio se déplace en moto à San Justo (une ville en périphérie de Buenos Aires) et roule à vive allure. Ne voyant que trop tard le bus qui déboule sur sa droite, il perd alors le contrôle de son deux roues et percute violemment le poids lourd. Transporté d’urgence à l’hôpital, Rubén Bernuncio ne s’en sort pas indemne. L’accident l’a rendu tétraplégique. Le football est dès lors un lointain souvenir et il faut maintenant se battre. Épaulé financièrement par le club de San Lorenzo et son président de l’époque, Fernando Miele, Rubén subit pas moins de seize interventions chirurgicales en près de deux ans. Il alterne avec les qualités qui ont toujours été les siennes, courage et volonté, les voyages entre Cuba et l’Argentine « en se promettant de remarcher un jour ». Deux opérations plus tard, Rubén Bernuncio est victime d’une infection rénale, transporté encore en urgence à la clinique La Esperanza. Le soir du dimanche 18 juillet 1999 il décédera avec son frère, Angel, à son chevet.
La nouvelle avait alors ému toute l’Argentine, en particulier tous les supporters de San Lorenzo. Malgré une carrière malheureusement trop courte, Rubén a marqué les fans du Ciclon qui se souviennent d’un homme doté d’un courage et d’une combativité exemplaire. Dans un entretien poignant accordé toujours à Olé, seulement quelques mois avant sa disparition, il avait déclaré : « Parfois je ferme les yeux et m’imagine remarcher pour aller voir un match de San Lorenzo. Je meurs d’envie d’aller revoir mon club que j’aime tant et un jour j’y arriverai ». Si San Lorenzo remporte à la fin du mois la Copa Libertadores pour laquelle le club est toujours en lice cela serait sans doute le plus bel hommage que le club azulgrana pourrait rendre à son ancien attaquant pour ce triste quinzième anniversaire…