Ciro Esposito a succombé à ses blessures la semaine dernière, un mois et demi après cette triste finale de Coupe d’Italie. Le supporter napolitain avait été touché par balle en marge du match contre la Fiorentina. Un 22e mort causé par le Calcio en 50 ans qui démontre que la tessera del tifoso n’a rien changé concernant la violence en Italie.
Comble de l’ironie, le dernier décès lié à la violence qui gangrène le football italien est celui de Filippo Raciti. Le policier tué en Sicile en 2007 lors d’un Catane-Palerme et dont le meurtrier présumé Antonio Speziale était soutenu par le biais d’un t-shirt porté par le désormais célèbre « Genny ‘a carogna » (Genny la charogne) le 3 mai dernier. Ciro Esposito, supporter napolitain, en déplacement à Rome pour la finale de la Coupe d’Italie a donc trouvé la mort après avoir été agressé en pleine rue à quelques heures du coup d’envoi. Admis dans un état grave à l’hôpital, le jeune homme de 24 ans a finalement succombé à ses blessures la semaine dernière. L’auteur du coup de feu mortel, Daniele De Santis, est un ultra romain issu de la Curva Sud qu’il ne fréquente plus depuis des années.
Un événement qu’il convient donc de ne pas associer au supporterisme organisé, même si la Curva Sud a publié un communiqué écœurant. En substance : « On ne reniera jamais un frère mais nous nous associons à la douleur de la famille ». En plus de n’avoir envoyé aucun représentant à l’enterrement de Ciro (contrairement à plusieurs tifoserie rivales). Ce qui n’a été précisé nulle part, c’est que cette même Curva comprend plusieurs groupes et donc plusieurs sensibilités différentes. Un peu comme un parti politique, en osant la comparaison. Des dissensions déjà antérieures se sont creusées davantage entre ceux qui souhaitent s’émanciper de l’acte de « Gastone » , notamment les membres du groupe historique Fedayn qui ne viennent plus au stade et ceux qui ne veulent pas le laisser tomber.
Le principal intéressé a tenu des propos équivoques rapportés par La Repubblica : « J’aurais dû mourir à sa place. Je ne peux pas croire qu’il est mort ». Trop tard. Le Romain a ainsi été la cible de menaces, malgré les appels au calme de la famille à laquelle il faut reconnaître une formidable dignité. Les médias se sont fait l’écho de scénarii hollywoodiens selon lesquels un commando irait venger le jeune défunt originaire de Scampia. Les amitiés des ultras napolitains (où les rivalités des Romains) ont aussi été évoquées. C’est de ces jumelages (Catania, Genoa, Dortmund, une partie de Palerme…) que peuvent effectivement naître de futurs incidents mais ceci n’est que spéculation. En théorie il ne devrait pas y avoir de problème surtout que par solution de facilité, les déplacements pour ces matchs chauds devraient être interdits…
Des caméras à l’entrée de l’Olimpico
Car, il faut bien l’avouer, ce drame illustre une nouvelle fois l’incapacité des autorités italiennes à gérer des manifestations sportives. La tessera del tifoso, cette carte du supporter, introduite suite à la mort de Raciti n’a pas donné les effets escomptés. Pire, elle a entériné la fracture entre un mouvement ultra et les institutions avec une répression sans égale en Europe. La preuve, ce match de finale de Coupe d’Italie réunissaient les abonnés, les détenteurs de tessera et de vouchers. Alors que celle-ci était en passe d’être modifiée (notamment l’article 9 qui interdisait d’office de stade les condamnés, y compris en première instance), cette tragédie va paradoxalement ruiner les efforts des avocats italiens qui défendent les intérêts des tifosi. Le tant décrié « Genny la charogne » a pourtant été crucial, par son rôle de capo, pour le bon déroulement du reste de la soirée malgré les tensions apparentes.
L’actuel ministre de l’Intérieur transalpin, Angelino Alfano est tout aussi catastrophique que son prédécesseur Roberto Maroni (l’inventeur de la tessera) dans la gestion des supporters. Sa solution miracle date d’il y a quelques mois : interdire l’accès au stade aux repris de justice. On n’y verrait dès lors quasiment plus aucun membre de la classe politique. L’ancien bras droit de Berlusconi a même eu le toupet de publier un communiqué de deux lignes ahurissant suite à la mort de Ciro Esposito : « Nous dégagerons les personnes violentes des stades ». Ce qu’il n’a pas réussi à faire après plus d’un an de fonction, en somme. Et pour y arriver, un arsenal de méthodes encore plus répressives sera en vigueur la saison prochaine. Problème, c’est encore l’entrée au stade qui est visée, or Ciro comme tant d’autres est mort dans la rue…
Profondo dolore per la morte di Ciro Esposito. La violenza è la negazione dello sport. http://t.co/08ckgRbxg6 ST
— Angelino Alfano (@angealfa) 25 Juin 2014
Dès l’année prochaine, des caméras seront capables d’identifier chaque visage des individus entrant à l’Olimpico. Les forces de l’ordre assurent qu’il n’y aura aucune violation des « privacy ». Allez dire ça à ceux dont les informations fournies pour obtenir la tessera del tifoso ont été vendues à des banques.