L’UEFA, en congrès à Astana (Kazakhstan), vient d’annoncer la mise en place, après la Coupe du monde 2018, d’une « Ligue des Nations » européenne, sorte de mini-championnat entre les sélections nationales. Avec cette proposition, l’institution qui chapeaute le football européen cède à l’appât du gain des droits TV et s’engage sur une pente glissante : celle de l’inflation des compétitions.
Le principe est assez simple : remplacer les matchs amicaux entre sélections par des matchs « qui comptent ». Si le format de la compétition n’a pas encore été précisément défini, on en connaît déjà les contours. Les 54 sélections européennes seraient réparties en plusieurs divisions – quatre – avec un système de promotion-relégation. Au sein de ces divisions, les équipes sont placées en poules de 3 ou 4 dont le premier se qualifierait à un « final four » disputé tous les deux ans. À la clé, un titre, et la possibilité pour les meilleurs de se qualifier pour l’Euro sans avoir à passer par les qualifications « classiques » et leur lot de déplacements en Azerbaïdjan ou aux Iles Féroé.
L’organisation présidée par Michel Platini s’aventure donc sur le terrain tortueux de l’inflation des compétitions. Pourquoi cela pose-t-il problème ? Pour plusieurs raisons : tout d’abord parce qu’il y a déjà trop de football. Aujourd’hui, il est possible de regarder du football pratiquement tous les jours : Championnat, Coupe, Coupe de la Ligue, Trophée des champions – multiplié par autant de championnats nationaux que vous suivez – plus Ligue des champions, Ligue Europa, Supercoupe, Mondial des clubs, Euro, Coupe du monde, les qualifs de ces deux dernières, et Coupe des Confédérations… D’ailleurs, la question de la suppression de la Coupe de la Ligue se pose dans la plupart des fédérations où elle existe. Quel est alors l’intérêt d’ajouter encore une compétition ? Aucun, si ce n’est l’intérêt financier.
Money, money…
Quel intérêt sportif d’une Ligue des Nations ? L’UEFA a beau jeu d’affirmer qu’elle viendra remplacer les matchs amicaux ; il est très probable que cela représente des matchs en plus pour des joueurs pros déjà près d’atteindre leurs limites physiques. En rajoutant des matchs internationaux, on risque d’en arriver à une situation où, comme au rugby, les journées de matchs internationaux chevaucheront les journées de championnat. À terme, il ne serait pas impossible que l’on en arrive à des bras de fer entre clubs et sélections pour disposer des meilleurs joueurs. Ajoutons que s’il devait y avoir suppression des matchs amicaux, cela influerait nettement sur la préparation des sélections aux « véritables » grandes compétitions – Euro et Mondial – qui pourraient en pâtir.
Quel intérêt, en outre, du point de vue du spectacle ? Tout l’intérêt des grandes compétitions internationales réside en leur rareté ; rajouter des « médailles en chocolat », c’est dévaloriser les grandes compétitions. D’autant que le grand public ne semble pas en demander plus. Certes, la Ligue des Nations devrait trouver son public sans difficulté, comme la Coupe des confédérations a trouvé le sien. Mais c’est bien là que réside le problème : nul besoin de fouiller en profondeur pour voir les intérêts économiques qui se cachent derrière. Une nouvelle compétition signifie davantage de spectacle et donc davantage de droits télé. C’est in fine une victoire de plus pour le foot-business : est-ce ça que nous voulons ?
Enfin, cette Ligue des Nations, avec son système de divisions, risque de rendre le football international encore plus élitiste qu’il ne l’est déjà. En voulant supplanter, même partiellement, les qualifications à l’Euro par un système basé sur des divisions, l’UEFA réduit les probabilités de voir se rencontrer les grands du continent et les « petits poucets ». Se dessine dès lors un football européen fermé, réservé aux grands. Pas sûr que cela plaise au public des petites fédérations…