C’est désormais officiel, la première division ne comportera pas moins de 30 équipes en Argentine en février 2015. De quoi susciter un mélange de doutes, de l’excitation pour le retour de grandes rivalités… et compliquer encore plus le format du championnat.
C’est peut-être le dernier tour de force de Julio Grondona, le big boss de la fédération argentine de football (AFA). La semaine dernière, après avoir assisté à la traditionnelle réunion du comité exécutif, le président a réussi à faire approuver sa grande réforme du championnat argentin de première division : un tournoi unique (contre deux actuellement) de 30 équipes dès février 2015.
Malgré quelques voix discordantes (toujours discrètes et à l’abri des micros) avant la réunion, tous les présidents de clubs ont adhéré au projet proposé par « le parrain ». Certains par peur, d’autres par méconnaissance, mais ce qui est sûr, c’est que personne ne s’est opposé fermement à Grondona. Seul Armando Perez, le président de Belgrano, a échangé quelques mots avec lui. Ni Boca, ni River, qui émettaient des doutes la semaine précédant la réunion, notamment concernant la distribution des droits TV, n’ont contesté. Les hommes forts de Godoy Cruz, Estudiantes, Newell’s et Olimpo ont également manifesté leur désaccord avec ce changement de championnat sans aller au bout de leurs convictions.
Les bases du nouveau championnat
À partir de février 2015, il y aura donc 30 équipes en première division. Bien que certains détails vont encore susciter l’objet de négociations, le championnat comportera 30 journées (8 de moins que le format actuel) : Pas de matchs aller/retour, sauf pour les derbys ! Dans le cas de certaines équipes sans « clasico », le match aller-retour se jouera contre un autre club proche géographiquement. Parmi ces 30 équipes, se trouveront donc les 17 qui ne descendent pas en juin, plus les 3 promus de deuxième division. Ainsi que 10 équipes de Nacional B (actuelle deuxième division) !
C’est là que les choses se compliquent. Pour sélectionner ces 10 équipes, les clubs de deuxième division qui n’ont pas encore gagné leurs tickets de promotion sur le terrain, en plus des quatre promus de 3ème division, joueront un tournoi divisé en deux zones de 11 équipes : une zone concernant Buenos Aires et sa banlieue et une autre zone concernant les autres provinces. Les 5 premiers de chaque groupe monteront en première division. En ce qui concerne les relégations en deuxième division, le système des moyennes obtenues (promedios) sur les trois dernières saisons est maintenu. Par contre, seulement deux équipes descendront !
Les raisons du projet
Derrière cette refonte du championnat, se cache, comme souvent, un objectif économique. Julio Grondona sait très bien que du côté du pouvoir politique, on voit d’un très bon œil la possibilité d’avoir une élite où presque toutes les provinces seraient représentées et beaucoup moins axée sur la capitale. Le président de l’AFA espère ainsi que le gouvernement à travers le programme « futbol para todos » (tous les matchs du football argentin sont diffusés en clair et sur les chaînes publiques) puisse injecter beaucoup plus d’argent pour la retransmission des rencontres.
L’autre argument avancé, beaucoup plus officiel, doit permettre aux clubs de construire un projet à long terme et d’éviter « la frénésie » des tournois courts avec quasiment un champion différent tous les six mois. Ce championnat new look a aussi l’avantage d’alléger un calendrier surchargé. En clair, tout ce cirque est censé augmenter la compétitivité du football argentin.
La question des droits TV constituait la principale inquiétude des cadors du foot argentin qui pensaient que « le gâteau » allait désormais être coupé en 30 parts. Pourtant, rien ne changera à ce niveau-là d’après Canchallena. Boca et River continueront de toucher leurs 3 millions d’euros chacun, Racing, Velez et San Lorenzo 2,5 millions d’euros. Le reste des équipes de première division perçoivent 1,8 millions d’euros. La différence se fera surtout avec les clubs promus, ceux-ci vont se verront accorder la somme « ridicule » de 400 000 euros. Independiente, club historique actuellement en deuxième division, devrait figurer d’exception. Le championnat argentin, un peu à l’image du championnat espagnol avec le Barça et le Real qui ont la part belle, risque d’être très inégal au niveau de la répartition.
Quels clubs peuvent profiter de ces changements ?
Le système de promotion qui va engendrer la montée de 10 clubs en première division va sans doute amener des situations plutôt insolites. On a tout d’abord des équipes qui peuvent monter de deux divisions en 6 mois. Ce pourrait être le cas du club de Santamarina qui a déjà validé son ticket pour la deuxième division et pourrait décrocher son billet en première division lors du prochain tournoi qui durera seulement 4 mois. Le même scénario est envisageable avec des noms plus ronflants tels que Chacarita, Platense, Nueva Chicago et San Martin de Tucuman toujours en embuscade pour une accession.
Ce pourrait être aussi l’occasion de revoir des anciens pensionnaires de première division comme Huracan et Ferro. Et qui dit Ferro et Huracan, dit forcement le retour de derbys très chauds comme San Lorenzo-Huracan et Velez-Ferro. Par ailleurs, le clivage province-capitale est très ancré en Argentine et la plupart « des géants de l’intérieur du pays » ne bénéficient pas de la même couverture médiatique que les clubs de Buenos Aires. Ainsi , de part leur popularité, Talleres et Instituto de Cordoba, Atletico Tucuman ou encore Union de Santa Fe ont une chance de se trouver dans la catégorie qu’ils méritent. Certaines formations, comme Patronato pour la province de Entre Rios ou Crucero Del Norte pour la province de Misiones, auront également à coeur de goûter pour la première fois aux joies de la première division.
Un autre scénario rocambolesque devrait concerner certains clubs actuellement à la lutte pour le maintien dans l’élite. En effet, pour Tigre, Colon de Santa Fe et Godoy Cruz, une descente en deuxième division en juin serait presque bénéfique afin d’essayer de remonter six mois plus tard. De fait, avec le système des moyennes de points établies sur trois ans, si ces équipes se sauvent lors de cette exercice (c’est actuellement le cas ), elles commenceront le « maxi championnat » avec un handicap certain à cause des mauvaises précédentes. Dans le cas d’une descente et d’une remontée instantanée, la moyenne serait calculée sur la seule saison du retour en Primera. Ce qui est à double tranchant.
Descendre et remonter en seulement 6 mois, ce sera donc possible en Argentine en 2014. Comme, au plus grand bonheur de beaucoup, pour All Boys tout juste relégué et surtout Argentinos Juniors. Cela devanait presque une habitude de voir des grands clubs de première division se retrouver au deuxième échelon du football argentin. Ce fut le cas successivement de Rosario Central, River Plate et plus récemment de l’Independiente. Argentinos ne déroge pas à la règle et sa petite mort est mal vécue par de nombreux amoureux du ballon rond. Bien qu’Argentinos possède une hinchada plutôt réduite, le respect (et l’affection) dégagé par la qualité de sa formation de joueurs est grand. Ainsi, pendant de nombreuses années, Argentinos était propriétaire du très prestigieux centre de formation « Club Parque » situé à Villa Del Parque, Buenos Aires. Maradona reste le joueur le plus connu a avoir été formé au club mais El Bicho et le « Club Parque » ont aussi sorti des Redondo, Riquelme, Cambiasso, Sorín, Placente entre autres. C’était le plus gros vivier du pays en compagnie de River Plate jusqu’à ce que le « Club Parque » et ses principaux dénicheurs de talents comme Ramon Maddoni soit racheté par Boca Juniors en 1996. Le « Club Parque » continua son excellent travail de formation pour les Xeneizes avec entre autres : Lucas Viatri, Nico Gaitán, Emiliano Insúa, Sérgio Araújo, Colazo, Erbes, Sanchez Miño, Zarate, Javier Garcia, Sergio Araujo, Viatri et Cañete. Le » Club Parque » n’appartient plus désormais à Boca et des rumeurs d’un rachat de l’Inter Milan persiste. De son côté, le vainqueur de la Copa Libertadores 1985 peine depuis le titre de 2010. Mis à part Rodrigo Gomez, aucune pépite ne sort plus du club du quartier de La Paternal et la sanction sportive est logique. Pour revoir cette sympathique pépinière, il suffit de terminer dans les 5 premiers d’une poule de 11 équipes. Rien d’impossible.
Boca Juniors et Independiente favorisés ?
C’est le raccourci qui a été fait la plupart des hinchadas d’Argentine. Il est reproché à Grondona de vouloir éviter une éventuelle future relégation du club bostero. Pourtant, le cas de Boca est simple : si le championnat serait resté tel qu’il est à l’heure actuelle, les Xeneizes auraient commencé la saison 2014-2015 en 12ème position du tableau des moyennes. Autrement dit, assez loin d’une possible descente. En revanche, le cas d’Independiente est différent.
Si, le club se trouve déjà en deuxième division, il vit actuellement une saison cauchemardesque. Après avoir trusté longtemps les premières places synonymes de montée, l’Independiente est actuellement 5ème du Nacional B. Javier Cantero a même dû démissionner dans la foulée de son poste de président. Entre les menaces envers les joueurs suite aux mauvais résultats (tags, chiens pendus, insultes), la présomption de viol sur mineure par deux joueurs de la réserve, les problèmes récurrents avec la barra brava (Bebote, le chef, prétend même devenir le prochain président du club) et les dettes envers d’anciens footballeurs de l’institution comme Leguizamon et Nuñez… Le Rojo vit un véritable enfer et sa montée en juin est loin d’être assuréz. Le nouveau championnat faciliterait énormément la tâche au troisième plus grand club d’Argentine pour retrouver son rang. Et quand on sait que Grondona est supporter d’Independiente…
Cette vaste réforme du championnat suscite beaucoup de doutes et d’interrogations et globalement, ce nouveau format ne fait pas l’unanimité. Mais comment en aurait-il pu en être autrement ?